La réforme de l'assurance chômage sera définitivement adoptée ce jeudi. Emmanuel Macron remporte une victoire politique, mais il prend un risque.
Ça ressemble à une victoire. Pour son deuxième quinquennat, Emmanuel a un objectif essentiel : le plein emploi. Ce serait la fin d’un long cycle, celui du chômage qui n’en finit pas, et de l’impuissance politique, symbolisée par ces mots fameux de François Mitterrand, en 1993 : "Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé".
En France, ces dernières années, le taux de chômage a beaucoup baissé, comme dans le reste de l’Europe. Dans notre pays, il atteint 7,4 %. Le gouvernement veut aller plus loin, et le ramener à 5 %. La réforme de l’assurance chômage doit y participer, en poussant les demandeurs d’emploi à accepter plus vite un poste quand il est disponible. Le principe est simple ; Emmanuel Macron l’avait annoncé pendant sa campagne : quand la situation économique s’améliore, les droits des chômeurs baisseront. Pas le montant des allocations, mais par exemple leur durée. Les allocations seront modulées. Le gouvernement donnera les détails dans quelques semaines. Pour les chômeurs, c’est tout sauf des détails.
Cette réforme est la première du quinquennat, et elle a une grande valeur symbolique. Pour la faire adopter, Emmanuel Macron est allé chercher des alliés à sa droite. Les Républicains ont accepté de soutenir le projet, à condition de pouvoir le durcir. Concrètement, par exemple, les salariés en CDD ou en intérim qui refusent deux offres de CDI pour un même poste, au même endroit, pour le même salaire, perdront leur accès au chômage.
Le gouvernement et la majorité ne voulaient pas de cette dernière mesure, trop "idéologique", selon eux. Le camp présidentiel l’a tout de même acceptée. Sans la droite, sans ce compromis, la réforme ne passait pas. Le gouvernement a contre lui tous les syndicats, la gauche, le Rassemblement national. Tous dénoncent une réforme injuste, qui va affaiblir les chômeurs.
Pour le lien du podcast issue de l'émission de Jean Leymarie, France Culture, c'est ICI.
Un sentiment de décalage
Est-ce que cette réforme va être efficace ? Ceux des entreprises qui ont tant de mal à recruter ? Et ceux des chômeurs, qui ne cherchent pas seulement un emploi, n’importe lequel, mais un travail qui leur correspond ? Avec un salaire suffisant, de bonnes conditions, des perspectives, du sens… C’est ça, la question. Quand un chômeur ou une chômeuse refuse un emploi, la plupart du temps, il ou elle a des raisons de le faire, même si le poste est intéressant. On refuse parce que l’entreprise est trop loin, que prendre la voiture coûte cher, ou parce que les horaires ne permettent pas de s’occuper des enfants. Le monde du travail est une mécanique de précision. Le gouvernement peut bien essayer de pousser les chômeurs, mais jusqu’à quel point ? Il ne fera pas rentrer des carrés dans des ronds.
Surtout que le rapport au travail a changé. De plus en plus, les salariés prennent leur distance, et la pandémie a accéléré le phénomène. La Fondation Jean Jaurès vient de réaliser une étude avec l’IFOP : 37 % des sondés affirment qu’ils sont moins motivés dans leur travail qu’avant la pandémie. Chez les plus jeunes, ils sont même 46 % dans cette situation. Ce phénomène a des causes variées. C’est un défi pour les entreprises, mais aussi pour le gouvernement. Que plus de gens aient un emploi, c’est très bien. C’est même indispensable. Mais ça ne suffit pas, ou plus. La place du travail, ses modalités, sa reconnaissance, et pas seulement dans les discours, constituent un sujet central.
La réforme de l’assurance chômage va être adoptée. Pour Emmanuel Macron, c’est un succès politique. Mais attention à l’effet d’optique. Sur le terrain, dans les entreprises, chez Pôle Emploi, un sentiment de décalage s’est installé, le décalage entre le discours politique – le plein emploi, la croissance – et la réalité. Le gouvernement prend un risque : attaquer un problème d’hier – le chômage de masse – en ratant la réalité d’aujourd’hui.