Hélène Millardet propose un accompagnement en analyse et résolution transgénérationnelles. Mais elle prévient que son approche "ne se substitue pas à une approche psychiatrique des troubles psychiques et se fonde sur la participation de la personne à son processus de guérison".
Le transgénérationnel c'est quoi ?
HM : C'est le fait que des générations se succèdent, et qu'il y a « transmission », échange entre elles. Au plan vertical, cela parle des liens entre les ascendants et leurs descendants. De la même façon, au plan horizontal, nous sommes tous, sur cette planète, interdépendants. La notion de transgénérationnel est vieille comme le monde.
Comment la mort et la sexualité se « parlent » dans les familles ?
HM : Dans tous les textes anciens on se préoccupe de génération et de filiation, derrière quoi viennent bien vite les questions d'identité et de valeur, mais aussi - ce qui est au coeur de notre construction psychique - la place de la sexualité et de la mort dans les sociétés.
Au coeur d'un accompagnement transgénérationnel, on questionne la façon dont la mort, la sexualité, se parlent dans les familles.
Le transgénérationnel aujourd'hui ?
HM: Pour le grand public, le transgénérationnel, ce sont ces patates chaudes que l'on nous a transmises et qu'on se regarde passer à nos enfants avec un frisson d'effroi… Et effectivement, cela a à voir avec nos traumas, directs ou secondaires (les traumas secondaires sont ceux qu'ont vécus nos parents). Tous ces événements non intégrés, non digérés, appellent le travail d'une conscience pour remettre les pendules à l'heure, lorsque la vie a été offensée.
En effet, l'image de la casserole traduit bien le fait que ces héritages nous ralentissent dans notre développement, dans le déploiement de ces compétences qui fondent notre humanité et sont indicateurs de notre bonne santé : la faculté d'empathie, l'imagination, la créativité.
Vous parlez de « travail transgénérationnel ...
HM : Oui, mais ce travail ce n'est certainement pas faire comparaître nos ascendants au tribunal. Cette enquête s'appuie sur le désir et la responsabilité. Sur l'envie d'aller bien, et l'intuition qu'il y a quelque chose, en cette affaire, qui relève de notre pouvoir.
La première des choses qui nous est transmise, c'est la vie elle-même, c'est-à-dire une succession de chances à saisir. Et tant que nous sommes vivants, à tout âge et jusqu'à notre dernier souffle, nous avons l'opportunité de poser des actes qui nous libèrent, et nous transforment.
Van Gogh du point de vue du transgénérationnel ?
HM : Il passe toute une partie de sa vie à essayer d'être ce que son milieu voudrait qu'il soit : marchand d'art, pasteur, comme son père, ses oncles paternels. Mais ça ne marche pas. Et puis il vit des déconvenues amoureuses. Aux yeux des siens, il est une sorte de looser.
Son père a même voulu le faire interner. Or, depuis toujours, il dessine. Il se met à étudier la peinture, en autodidacte.
Finalement, il va connaître un double exil, en France et dans son art. Il se réalise tardivement, et encore ! De son vivant, il ne vendra qu'une seule toile. Sa vie semble se dérouler sous le sceau d'une malédiction.
Son frère Théo, qui est aussi son mécène, est comme une sorte de jumeau au plan psychique. C'est comme si ces deux-là ne pouvaient exister l'un sans l'autre, mener chacun une vie autonome.
Un aïeul qui a fait la fortune et le déshonneur de la famille
HM : Vincent et son frère répètent une structure que l'on retrouve sur plusieurs générations, que l'on trouve aussi du côté maternel et que l'on rencontre souvent quand on accompagne les personnes désireuses de « faire leur arbre ».
Au plan transgénérationnel, on sait que Van Gogh est un « enfant de remplacement » : il naît un an jour pour jour après la mort d'un premier fils, un grand frère dont il porte le prénom. Sa mère n'en aurait jamais fait le deuil.
La mélancolie de Van Gogh cache probablement bien d'autres blessures. On sait aussi qu'il a un lointain grand-oncle paternel, également prénommé Vincent, qui est artiste sculpteur, et qui a fait la fortune des Van Gogh, mais aussi leur déshonneur, par sa vie de débauché.
Son milieu d’origine où règnent pudibonderie et hypocrisie
HM : Tout cela nous parle de l'époque de Van Gogh, de son milieu d'origine où règnent pudibonderie et hypocrisie, où les hommes vivent leur sexualité cachée avec des femmes « légères », où les épouses se cantonnent à une vie de fantasmes, sinon à l'aigreur et à la rigidité.
Le geste de Van Gogh offrant l'oreille qu'il vient de se trancher dans un linge, à cette prostituée avec laquelle il a une relation, c'est l'expression frappante de cette absurdité.
A la fin de sa vie, dans sa correspondance, Van Gogh écrit son espoir qu'un jour, le monde comprenne combien lui qui était le « mauvais » aux yeux des siens, avait en réalité le coeur pur et profond. C'est touchant, mais pathétique. Aujourd'hui, nous avons le droit d'ouvrir le cadeau du présent ; de nous ôter cette pression que nous nous mettons et mettons aux autres, au quotidien. Le sentiment de plénitude est à trouver à l'intérieur de soi ; dans la faculté d'accorder ce que nous sommes, avec nos actes, avec nos choix. Et alors il devient possible de rencontrer, sur des bases nouvelles. Vivre, ça se réinvente, à chaque génération !