97e sur 101. Voilà le classement de notre département en densité de médecins spécialistes, selon les chiffres 2017 de la Drees*. Chez nous, la densité s'élève à 82,7 praticiens pour 100.000 habitants : à peu près autant que la Guyane (87,6), deux fois moins que la moyenne hexagonale (183,8), et sept fois moins que Paris (600,1). Une situation critique, bien plus qu'en médecine générale.
Pourquoi ce désert médical?
La Haute-Loire n'a pas de chance. Sa ruralité rebute beaucoup d'internes en médecine, habitués à la vie dans les métropoles. Mais en plus, ses voisins Clermont et Saint-Etienne disposent de gros hôpitaux. Et qui dit gros hôpital dit moyens techniques. Or, "c'est cela que veulent les spécialistes", reconnait le Dr Alain Chapon, président de l'ordre des médecins de Haute-Loire.
Par exemple, quand l'hôpital du Puy réclame du matériel - très coûteux - de coronarographie (technique de visualisation des artères grâce à l'injection d'un produit de contraste), les pouvoirs publics rechignent. "Ils savent que Saint-Etienne, qui dispose de cette technologie, est à 70km. Forcement, ils se posent la question avant d'investir." Résultat : les cardiologues se désintéressent du Puy. [Lire plus bas]
Quelles sont les spécialités qui manquent le plus?
En Haute-Loire, la densité de médecins spécialistes est basse quelle que soit la discipline. Les besoins les plus flagrants s'observent en gynécologie (en moyenne trois fois moins de médecins qu'en France) et en pédiatrie (quatre fois moins).
Autre exemple frappant : la cardiologie. Ils sont huit à exercer cette spécialité dans tout le département, médecins de ville et hospitaliers confondus. Soit en moyenne 3,5 cardiologues pour 100.000 habitants en Haute-Loire. Trois fois moins qu'en France. Et vous le ressentez. Sur notre page Facebook Zoomdici, Claude désespère : "J'ai voulu avoir un rdv avec ordonnance fin octobre, la secrétaire m'a dit que c'était complet jusqu'en mai". Idem pour Christine qui a patienté "un an pour avoir un cardiologue qui m'a déjà suivie!"
Comment faire quand on ne trouve pas de rendez-vous?
D'abord, se tourner vers un hôpital ou une clinique. En dehors, c'est encore pire. "Depuis quelques années, il n'y a presque plus de nouveaux spécialistes en ville", déplore le Dr Chapon, qui peut compter les nouveaux libéraux sur les doigts d'une main. En général, ceux qui s'installent préfèrent les hôpitaux. Hôpitaux qui profitent ainsi d'un boom de leurs consultations externes.
Autre possibilité si vous peinez à trouver une date en Haute-Loire : le centre de consultations externes d'Yssingeaux. Une cinquantaine de praticiens de l'hôpital privé de la Loire, à Saint-Etienne, s'y relaient du lundi au vendredi. Une "délocalisation", en somme. Plus de dix spécialités sont représentées : chirurgiens, pneumologie, gynécologie etc.
Quelles sont les zones les plus touchées?
Les plus éloignées des hôpitaux. Margeride, Mézenc et plateau casadéen sont les secteurs où il faut faire le plus de route pour trouver un spécialiste. Un généraliste aussi d'ailleurs.
La situation va-t-elle s'améliorer?
Peu d'espoir dans l'absolu. Élus et médecins travaillent de concert pour trouver des généralistes. Mais pour les spécialistes, pas encore. "La priorité est la médecine de premier recours", admet le Dr Chapon. Ce que confirme Laetitia Venosino, responsable de l'accueil des professionnels de santé au Pays du Velay : "On ne sait pas encore comment agir pour les spécialistes". Car attirer de nouveaux généralistes, c'est déjà bien. "On pare au plus pressé, et on concentre nos efforts là où l'on peut."
Seule note d'espoir dans ce tableau clinique assez sombre : les avantages fiscaux de la Haute-Loire. Admis en zone de revitalisation rurale dans sa quasi-totalité en mars, le département peut faire bénéficier à tout nouvel entrepreneur d'importantes réductions de taxes et impôts. Et le Dr Chapon l'assure : "C'est primoridial pour attirer de nouveaux praticiens. Généralistes comme spécialistes".
Clément L'hôte
*Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, rattachée notamment au ministère de la santé