Petit tremblement de terre hier soir sur l'échiquier politique. Les audiences parlent d’elle-même : l’allocution présidentielle totalement inattendue a rassemblé plus de 14 millions de téléspectateurs sur l’ensemble des chaînes où elle était diffusée, comme TF1, France 2 ou M6.
Soit plus de 60% des personnes présentes devant leur poste à ce moment-là. C’est moins par exemple que l’allocution qui avait suivi l’annonce du remaniement ministériel de mars 2014 après la défaite de la gauche aux municipales.
La première fois dans l'histoire de la cinquième république
Alors que la primaire à gauche se prépare, ce jeudi 1er décembre 2016, en soirée, François Hollande a annoncé qu'il ne se présenterait pas à l'élection présidentielle de 2017.
Avec des mesures controversées et une côte de popularité au plus bas, il s'est dit lucide quant à ses chances de l'emporter. C'est la première fois dans l'histoire de la 5ème république qu'un président décide de ne pas concourir à un second mandat.
Entretien avec un fidèle parmi les fidèles du Hollandisme
André Chapaveire, premier secrétaire de la Fédération du Parti Socialiste de Haute-Loire, est un fidèle parmi les fidèles du Hollandisme. Forcément, il ya un peu de déception aujourd'hui chez lui, qui se retrouve "orphelin de candidat" et qui défend coûte que coûte le bilan du Président. Entretien.
Après l'annonce de François Hollande de ne pas se présenter à la prochaine élection présidenteille, quel est le sentiment qui domine ?
Tout d'abord, je considère que ça a été un discours rempli d'émotion, de courage et de dignité. François Hollande, en pleine conscience et en pleine responsabilité a agi en grand homme d'Etat. Je salue sa décision mais je la regrette car il a un bilan très positif, conforme aux valeurs socialistes. Il a été un vrai patron, agissant dans l'intérêt des Français dans toutes les circonstances, même les plus difficiles et les plus tragiques. Je considère que l'Histoire lui rendra Justice.
Cette décision était-elle inévitable compte tenu de sa cote de popularité ?
On peut dire qu'il a subi depuis son entrée en fonction une campagne de dénigrement, un "Hollande bashing" permanent, et il est resté digne en toute circonstance. Pour l'avoir rencontré à plusieurs reprises à l'Elysée durant ce mandat, j'ai pu mesurer ses grandes qualités humaines et sa capacité d'écoute. Aujourd'hui, je suis orphelin de candidat même si bien sûr, je soutiendrai celui qui aura été désigné dans le cadre de notre primaire citoyenne de janvier, car ce qui nous est proposé par François Fillon et Marine Le Pen ne peut aucun cas ni me convenir, ni à la France.
Son renoncement est-il une conséquence du résultat de la primaire de la droite et du centre ?
Non, je pense que ça n'a rien à voir. Il avait dit qu'il serait candidat sous certaines conditions, notamment l'inversion de la courbe du chômage. Aujourd'hui, cette courbe est bien en train de s'infléchir mais il pensait que ça aurait été plus rapide. Aujourd'hui, il n'est pas en position de remporter la Présidentielle donc pour ne pas mettre la gauche en difficulté, il a pris cette décsion, responsable et sage à mon avis.
Pourtant l'élection de François Fillon à la primaire de la droite et du centre, penchant très à droite, laissait de l'espace au centre pour une candidature comme celle de François Hollande non ?
Oui... mais ce n'est pas comme ça que le Président de la République a analysé les choses. Aujourd'hui, il y a des engagements qu'il avait pris au moment de sa campagne, il s'est efforcé d'arriver à ses fins, en particulier concernant l'inversion de la courbe du chômage. Il constate qu'il n'a pas complètement réussi et je pense que ça va porter ses fruits plutôt en 2017 ou en 2018, et aujourd'hui, on peut comprendre que les Français, et en particulier ceux qui vivent mal cette situation, ne se reconnaissent pas dans l'action menée par le Président.
Son action porterta ses fruits d'ici 2017 ou 2018... C'est donc un autre Président qui pourra les récolter et en bénéficier ?
Absolument. mais vous savez, on a déjà vu ça dans d'autres pays, comme en Allemagne par exemple avec Gerhard Schröder, qui a pris des décisons courageuses, parfois impopulaires, comme le Président François Hollande. Et derrière, c'est la droite qui a récolté les bénéfices de ce travail.
Ce renoncement, n'est-ce pas un peu un aveu d'impuissance ?
Pas du tout, c'est un aveu de responsabilité, il a fait passer l'intérêt général avant l'intérêt particulier qui aurait pu être le sien dans cette circonstance.
C'est la première fois au cours de la cinquième République qu'au terme de son mandat, un Président ne se représente pas. Est-ce un message adressé à la classe politique, dans la lignée de la loi sur le non cumul des mandats, alors que certains prônent un mandat unique à la tête de l'Etat ?
Absolument, il a toujours été dans cette logique et c'est sous sa mandature, sous son impulsion, que la loi sur le non cumul des mandats a été votée. Il n'est pas là pour sa gloriole personnelle, il est là pour l'intérêt de la France et des Français et comme il a vu qu'il n'était pas en mesure de gagner cette élection présidenteille, il s'est retiré car il souhaite que la gauche l'emporte, et c'est encore jouable.
Est-ce vraiment le cas ?
Oui, car les propositions que font François Fillon et Marine Le Pen sont dangereuses pour notre pays et ce seraient des régressions sociales sans précédent. Aujourd'hui, j'invite le peuple de gauche à se ressaisir, pour avoir un candidat unique. C'est à mon avis le seul schéma potentiellement gagnant.
Quels sont les chances de la gauche aujourd'hui pour 2017 ? La gauche est-elle affaiblie par ce renoncement de François Hollande ?
C'est trop tôt pour le dire mais ce qui affaiblit le plus la gauche aujourd'hui, c'est la dispersion des candidatures.
Est-ce justement un message lancé pour l'unité de la gauche ?
Je crois qu'il a donné l'exemple et que beaucoup de candidats devraient s'inspirer de sa position pour dire qu'aujourd'hui, si on ne veut pas que notre pays sombre dans un retour en arrière, avec les propositions rétrogrades de François Fillon et Marine Le Pen, la seule solution c'est d'avoir un Président de la République de gauche, et chacun doit prendre ses responsabilités, comme lui a su le faire.
Lors de sa déclaration, il a exprimé un seul regret, qui concernait la déchéance de nationalité. Pour votre part, si vous aviez un regret à formuler sur sa mandature, quel serait-il ?
Le même, car pour tout le reste, il a été dans la logique de ce qu'il avait promis pendant la campagne électorale et c'est bien conformément à des valeurs de gauche qu'il a mené cette mandature.
A contrario, une grande fierté à souligner lors de cette mandature ?
C'est d'avoir donné à la France la place qu'est la sienne aujourd'hui et qu'elle avait perdu lors des précédentes mandatures, en particulier avec Nicolas Sarkozy.
Sa place à l'international ?
Oui, à l'international, mais aussi donner des valeurs républicaines à notre pays puisqu'on l'avait vu, ce rapprochement dangereux de Nicolas Sarkozy avec l'extrême droite et que poursuit aujourd'hui François Fillon, est très mauvais pour la France et les Français.
Pourtant, sous sa mandature, le Front National a poursuivi sa progression dans les urnes. N'a-t-il pas sa part de responsabilité ?
En aucune manière. Je crois que depuis le début, son combat contre l'extrême droite est clair. Il s'est toujours opposé aux démarches populistes de l'extrême droite, qui sont toujours dangereuses. Je vous rappelle qu'Hitler et Mussolini ont été élus avant de devenir des dictateurs, c'est bien le peuple qui les a amenés au pouvoir et sur les mêmes programmes du populisme. Mais une fois aux commandes, on voit bien le désastre que ça a été.
François Hollande semble quand même avoir déçu une partie de son électorat. Vous comprenez cette déception d'une partie de la gauche ?
On peut comprendre qu'il ait déçu, mais c'est parce que certains pensent qu'en votant pour une certaine personne, tout va changer du jour au lendemain. Il y a peut être une erreur qui a été faite au départ, c'est de ne pas dire aux Français la vérité sur la situation réelle du pays telle qu'il l'a découverte en arrivant aux affaires. On savait que la situation économique était catastrophique, on savait que Nicolas Sarkozy avait laissé les finances publiques dans un état déplorable, mais la situation était encore pire que ce que nous avions envisagé... mais pour ne pas faire peur aux Français, il n'a pas communiqué sur cette situation, et les Français pensaient que ce n'était pas si terrible et ils attendaient par conséquent des réformes beaucoup plus rapidement et elles sont arrivées avec des effets qui malheureusement ne sont pas à la hauteur des espérances des Français.
Il a notamment été reproché à François Hollande une certaine proximité avec le patronnat et un manque de dialogue social. Cette mandature n'était finalement peut être pas assez à gauche pour satisfaire son électorat ?
Non, il a mené une politique de gauche mais les emplois, ce sont les entreprises qui les créent, il ne suffit pas de claquer des doigts. Il a fait en sorte que les entreprises puissent avoir un deuxième souffle, ce qui a été le cas comme on le voit aujourd'hui avec une relance de l'économie en France, ce qui prouve que les mesures qui ont été prises étaient de bonnes mesures, même si elles n'ont pas été toujours bien comprises et que la communication n'était parfois pas à la hauteur, mais je considère personnellement que ce bilan est un très positif.
Pour conclure, d'un point de vue personnel justement, vous êtes meurtri de cette décision ?
Oui, enfin meurtri, c'est un peu fort, mais je regrette la décision qu'il a prise mais je l'accepte, elle lui appartenait et maintenant il va falloir oeuvrer pour faire campagne derrière notre candidat.
Propos recueillis par Maxime Pitavy
>> En 2014, le Président de la république François Hollande s'était rendu en Haute-Loire, au Mont Mouchet. Vous pouvez retrouver notre article et notre reportage vidéo ici.