Après des années et des années de conflit autour de l'actuel barrage de Poutès, EDF, élus, riverains et associations se sont accordés autour d'un projet " responsable, innovant et ambitieux qui pourrait faire école en France et même en Europe ".
Le projet « Nouveau Poutès » vise à reconfigurer en profondeur cet aménagement. EDF doit mener le chantier de 24 millions d'euros à ses frais (la concession de 50 ans permettant largement d'amortir un tel investissement).
Ce chantier consiste à remplacer le barrage de 18 mètres de hauteur par un ouvrage de quatre mètres (notamment pour permettre la migration du saumon de la Loire, "trésor national"), réduisant ainsi de 80 % les nuisances écologiques, tout en conservant 80 % de la production d'électricité renouvelable.
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Les masses d'eau devaient être en bon état en 2015. "Si on ne respecte pas notre engagement, la France aura une amende comme ça a été le cas pour les nitrates et je pense que la somme sera supérieure au coût de l'aménagement de Poutès", met en garde Antoine Lardon.
-----"Un coup de massue, on se sent trahis..."
Les travaux devaient débuter mi-juin 2016 pour une durée de trois ans... mais Jean-Bernard Levy, PDG d'EDF, vient d'ajourner les travaux de Poutès "pour des motifs financiers". Une décision unilatérale qui engendre la colère des associations écologistes qui oeuvrent sur ce dossier depuis des décennies et qui acceptent un report d'un an, à juin 2017, à la condition qu'EDF donne des engagements fermes en ce sens. Antoine Lardon est le président de la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de la Haute-Loire. Le sentiment qui domine, c'est la colère ? Vous vous sentez trahi, mais davantage par le gouvernement que par EDF ? Il existe cependant des moyens de réaliser des économies ?
Une première mondiale dont EDF était si fière
Cette décision unilatérale pousse également les associations à s'interroger sur le lien entre le projet de Poutès et les difficultés financières que rencontre EDF, "dues principalement à ses problèmes sur le nucléaire", selon ces associations, qui égrènent : "50 à 100 milliards d'euros pour le Grand Carénage, six milliards de surcoût pour l'EPR de Flamanville, 16 milliards sur le site d'Hinkley Point"... Des sommes colossales par rapport aux 24 millions d'euros du projet de Poutès. Pourtant, EDF présente encore sur son site web le barrage altiligérien comme "un projet industriel ambitieux et sans équivalent dans le monde", qui sera "une référence d’hydroélectricité co-construite"...
Le barrage de Poutès était une première mondiale, il devait servir d'exemple pour tous les autres barrages, notamment ceux de moindre envergure... Pour Antoine Lardon, ce rétropédalage risque donc de provoquer un effet cascades et il sera encore plus difficile de convaincre les autres barrages qu'il faut réaliser des aménagements. Quelles sont les prochaines échéances ? Le mouvement peut se durcir si vous n'obtenez pas des garanties ?
----Premier producteur d’électricité en Europe, le Groupe EDF dispose en France de moyens de production essentiellement nucléaires et hydrauliques, fournissant à 97,6 % une électricité sans émission de CO2. Le Groupe participe à la fourniture d’énergies et de services à environ 37,8 millions de clients, dont 28,3 millions en France. Le Groupe a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires consolidé de 72,9 milliards d’euros dont 45,2 % hors de France. EDF, cotée à la Bourse de Paris, est membre de l’indice CAC 40.-----L'équivalent de la consommation domestique d’une ville de 26 000 habitants
Une fois la reconfiguration du barrage de Poutès terminée, l’eau sera acheminée à la centrale par une galerie puis une conduite forcée avec une hauteur de chute de 53m avant de rejoindre à nouveau la rivière Allier. Les quatre groupes de production de la centrale de Monistrol-d’Allier représenteront alors une puissance totale d’environ 23 MW. Ils produiront, en moyenne, chaque année, l’équivalent de la consommation domestique d’une ville de 26 000 habitants, soit davantage qu'une ville comme le Puy-en-Velay, chef-lieu du département. Alors l'hydroélectricité représente-t-elle une proportion importante de la consommation énergétique altiligérienne ?
"Il faut raisonner en termes d'énergie", répond Martin Arnould, salarié de l'association SOS Loire Vivante et chargé de programme de la gestion durable des fleuves, "l'électricité n'est qu'une petite partie de la consommation énergétique de la population, le principal émanant des énergies fossiles, ne serait-ce que pour le transport ou le chauffage par exemple". Quant à la production électrique, on estime que l'ouvrage de Poutès doit permettre l'approvisionnement de 26 000 habitants, "ce qui demeure très relatif dans un département de 225 000 habitants... Et encore, on ne parle que des usages domestiques, alors qu'il y a les usages indistriels donc Poutès, c'est une part marginale de la consommation électrique départementale", ajoute-t-il.
Les barrages hydrauliques ne sont pas du tout écologiques
Pour Martin Arnould, malgré le fantasme que l'on peut s'en faire et bien qu'il s'agisse d'une énergie renouvelable, les barrages hydrauliques ne sont pas du tout écologiques.
Quel est le principal intérêt de l'hydroélectricité ? Pourrait-on utiliser d'autres sources d'électricité renouvelable pour assurer les besoins de la population ? N'est-ce pas une pensée uniquement écologiste ?
Le député Jean-Pierre Vigier rencontre EDF ce mercredi
Le député Jean-Pierre Vigier rencontrera ce mercredi 15 juin à l’Assemblée Nationale, la société EDF au sujet de l’aménagement du barrage de Poutès. Accompagné de Pierre Coupelon, maire de Monistrol d’Allier, d’Alain Redon, adjoint au maire d'Alleyras et de Francis Rome, Président de la Commission Locale de l’Eau, il échangera avec le directeur de la Division Production Hydraulique, Yves Giraud, ainsi que Bruno de Cherge, délégué Coordination et Gouvernance d’EDF.
Cet échange est essentiel car ce projet a des retombées importantes pour le territoire altiligérien, tant au niveau de la préservation de la biodiversité comme le nouveau barrage permettra la migration et la reproduction du saumon de l’Allier en voie de disparition, qu’au niveau des retombées économiques. Le député a aussi sollicité la Ministre de l’environnement pour une rencontre afin que le nouveau Poutès voie le jour bientôt.
Le barrage de Poutès en quelques dates-clés
1918 : lancement des travaux de construction des aménagements de Monistrol-d’Allier (barrages de Poutès, Saint-Préjet et Pouzas)
1941 : fin des réalisations de l’aménagement de la chute alimentée par l’Allier.
1956 : EDF devient concessionnaire de l’aménagement pour une durée de 50 ans.
2002 : enclenchement du processus de renouvellement de la concession. Le devenir du barrage est au coeur de nombreux débats et discussions entre associations de défense de l’environnement, élus et EDF. Il aura fallu presque 15 années pour qu’émerge une solution concertée et acceptée par tous : le projet du Nouveau Poutès.
22 juillet 2015 : EDF se voit attribuer par l’Etat français le renouvellement pour les 50 prochaines années de la concession d’exploitation de Monistrol-d’Allier.
Juin 2016 : Jean-Bernard Levy, PDG d'EDF, décide d'ajourner les travaux de Poutès "pour des motifs financiers".
Maxime Pitavy
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