C'était l'une des promesses de campagne post-attentats de Laurent Wauquiez : la mise en place de portiques de sécurité dans les lycées. Dans un premier temps, d'ici un à deux mois, l'expérimentation va se faire dans une quinzaine de lycées de la Région Auvergne Rhône-Alpes, a-t-il annoncé à l'AFP ce jeudi 21 janvier 2016. La liste de ces 15 lycées n'a pas encore été établie. Le rectorat de Clermont-Ferrand ne dispose, pour l'heure, d'aucun élément sur cette annonce.
Le dispositif doit ensuite être généralisé à tous les établissements d'ici la fin de l'année 2016. En clair, les lycéens devront badger pour entrer dans leurs bahuts.
Au-delà du coût, c'est surtout la mise en pratique qui interroge
Le coût pour la mise en place de ce matériel est estimé à 100 000 euros par portique mais une fois le dispositif généralisé, on table plutôt sur une facture de 20 millions d'euros, selon Laurent Wauquiez, qui avait annoncé 40 millions d'euros durant la campagne. Mais au-delà du coût, c'est surtout la mise en oeuvre pratique qui interroge.
Selon nos informations, les professionnels ne prennent pas cette annonce au sérieux car ce type de dispositif est difficilement applicable dans les lycées les plus urbains, pourtant fermés et déjà bien sécurisés. Il serait même carrément irréalisable dans les lycées plus ouverts, comme c'est souvent le cas dans les territoires ruraux.
----A Nice, des portiques installés, mais inutilisés
Evoqués à plusieurs reprises après des faits divers en milieu scolaire, les portiques n’ont jamais été généralisés. A Nice, le maire Christian Estrosi avait financé l’achat de deux portiques en 2009. L’année suivante, ils n’avaient toujours pas été utilisés.-----Vu les temps de passage, les lycéens ont intérêt à se lever tôt
Il faut en effet compter minimum deux personnes (un homme et une femme) par portique et à temps plein car un lycée, à la différence d'un collège, est ouvert toute la journée et les lycéens peuvent entrer et sortir à leur guise du matin au soir. De plus, dans des lycées comme Simone Weil et Roche Arnaud au Puy-en-Velay, les deux lycées publics généraux de la ville encore administrée par Laurent Wauquiez, un seul portique ne pourrait suffire, à moins de grillager le périmètre de l'établissement.
Reste enfin la question du temps de passage. En prenant une moyenne de 440 élèves (rapport entre le nombre de lycéens divisé par le nombre de lycées de la région), l'équivalent d'un petit établissement (à la rentrée 2015, le lycée Roche Arnaud comptait 760 élèves, le lycée Simone Weil 1 169 et celui de Monistrol-sur-Loire 937), on arrive déjà à une file d'attente conséquente. Avec une moyenne de trois secondes par élève, il faut déjà compter 22 minutes. Si en plus, il y a quelques cas de fouille, le temps de passage s'allonge considérablement. En prenant une moyenne de dix secondes par élèves, on compte alors 73 minutes pour entrer dans l'établissement... Les lycéens ont intérêt à se lever tôt. Ces temps de passage peuvent bien sûr être revus à la baisse à condition de multiplier les portiques dans chaque lycée, ce qui signifie des coûts supplémentaires (100 000 euros et au moins deux agents à temps plein par portique).
A l'époque de la campagne, la tête de liste des écologistes de gauche (Le Rassemblement) avait émis ses réserves. Jean-Charles Kohlhaas considérait cette mesure irréaliste au micro du "Scan".
Tout comme la tête de liste de gauche, Jean-Jack Queyranne (PS).
----Dans le meilleur des cas, déjà une heure de queue à Simone Weil
Si l'on prend l'exemple du lycée Simone Weil au Puy, avec une moyenne de trois secondes par élève, et il ne faut donc aucune entrave (ni ceinture, ni chaussure qui pourraient faire sonner le portique), on arrive déjà à plus de 58 minutes.-----Est-ce vraiment un gage de sécurité ?
Pour conclure, on peut également s'interroger sur la portée sécuritaire d'un tel dispositif car si les objectifs sont la lutte contre le trafic de drogue, contre les intrusions d’armes à feu ou d’éléments extérieurs, et la protection dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les longues files d'attente que ce dispositif générerait pourrait même être "une aubaine" pour un terroriste souhaitant arroser à la mitraillette des lycéens ou même se faire exploser.
Dans le même registre, on peut se demander jusqu'où un portique de sécurité, accompagné de deux agents, peut freiner les ardeurs de terroristes lourdement armés et décidés à mourir. Aux Etats-Unis, les portiques de sécurité n'ont guère empêché les fusillades régulières. Mais il ne faut pas entretenir la peur et gageons que chacun saura retrouver un peu de sérénité dans ce contexte post-attentats. Le premier portique sera installé à Moirans, en Isère, au mois d'avril. On comprendra alors un peu mieux comment techniquement le dispositif va se déployer.
A.W. et M.P.
Les arguments de campagne de Laurent Wauquiez pour la sécurité (21 novembre 2015) :
"Laurent Wauquiez a d’abord souhaité rappeler combien chacun avait été touché par les terribles actes de barbarie perpétrés à Paris le vendredi 13 novembre dernier.
Pour lui, dans ce nouveau contexte, nos concitoyens attendent de la dignité, de la responsabilité, mais aussi des propositions concrètes. Le Président de la République a d’ailleurs souhaité solliciter les parlementaires, les maires, et tous les élus afin d’élaborer des propositions.
S’inscrivant dans cette perspective d’unité nationale, et rappelant que notre région n’est pas épargnée par la menace terroriste, Laurent Wauquiez a souhaité formuler des propositions concrètes visant à faire de la région un bouclier de sécurité supplémentaire.
Entouré pour l’occasion de Georges Fenech, député du Rhône (LR) et ancien magistrat, de Patrick Mignola, Maire de La Ravoire et chef de file Modem pour les élections régionales et d’Eric Fournier, Maire de Chamonix et conseiller régional (UDI), Laurent Wauquiez a fait part de sa volonté que la Région assure la sécurité des Rhônalpins et des Auvergnats dans les domaines qui la concernent directement.
Il s’engage ainsi à ce que nos lycées soient protégés avec la mise en place de la vidéoprotection pour l’ensemble des établissements (y compris CFA et Maisons Familiales Rurales), ainsi que l’installation de portiques de sécurité, en accord avec les chefs d’établissements.
De la même manière il souhaite que les usagers des TER bénéficient de rames et de gares placées sous vidéoprotection, et surtout de la mise en œuvre d’une police spécifiquement dédiée, comme il l’a déjà demandé au Premier Ministre.
Par ailleurs, celui qui est également maire du Puy-en-Velay souhaite accompagner les communes sur cette problématique avec la création d’un fonds de dotation spécifique de 10 millions d’euros pour de la vidéoprotection et l’armement des policiers municipaux (armes, gilets par balle).
Soulignant qu’avec 140 établissements, la future région Auvergne-Rhône-Alpes concentre la plus forte concentration de sites Seveso du pays, il propose la création d’un fonds pour la sécurisation de ces sites de 10 millions d’euros. Face à ce qui constitue pour lui un véritable sujet de préoccupation, il a également annoncé le dépôt prochain d’une proposition de loi par tous les parlementaires de son équipe pour faire évoluer la législation qui n’est pas assez protectrice aujourd’hui.
L’élu de la Haute-Loire a également réaffirmé sa proposition sur l’internement des fichés S, expliquant qu’en l’état actuel du droit il propose a minima, dans le cadre de l’état d’urgence, d’assigner à résidence l’ensemble des individus de la région fichés S pour terrorisme.
Enfin, afin de lutter contre les phénomènes de radicalisation, Laurent Wauquiez a fait part de sa volonté d’apporter un soutien financier plus important aux associations qui oeuvrent sur cette thématique."