Deux jeunes hommes, de 21 et 19 ans, se présentent à la barre ce mardi après-midi devant le tribunal correctionnel du Puy. Tous deux ont été placés sous contrôle judiciaire le 1er juillet dernier, alors que le Parquet avait demandé leur mise en détention provisoire. Ils étaient quatre jeunes dans cette affaire, mais l'un a été disculpé et le second fera l'objet d'une composition pénale début septembre.
Les deux prévenus, qui vivent chez leurs parents à Saint-Pierre-Eynac et n'ont aucun antécédent judiciaire, devaient donc assumer seuls les conséquences d'un acte que leurs avocats se sont efforcés à faire passer pour une « bêtise de gamins ». Ils sont tout de même poursuivis pour des violences aggravées par trois circonstances : en réunion, avec arme et en raison de l'orientation sexuelle réelle ou supposée de la victime.
Ils reconnaissent qu'ils y allaient « pour voir », « pour vérifier », et enfin « pour faire peur »
Ce dimanche 17 mai 2015, le groupe de jeunes se rend au fameux lieu de rencontres pour les homosexuels en bordure de l'ancienne RN 88, entre le bourg de Blavozy et le rond-point de Lachamp (commune de Saint-Pierre-Eynac). Leurs motivations ne sont pas très claires : s'ils revendiquent au début y être venus pour s'amuser et s'entraîner à tirer à la carabine à plombs, très vite, lors de l'instruction, on va se rendre compte qu'ils savaient très bien où ils mettaient les pieds. Ils finiront même progressivement par reconnaître qu'ils y allaient « pour voir », « pour vérifier », et enfin « pour faire peur ».
Mais les deux prévenus se défendent d'une agression à caractère homophobe : « ça n'a rien à voir avec l'homosexualité, c'est juste que dans ce lieu, il ne faut pas faire ça, c'est pas propre. Faire l'amour, ça ne se fait pas en pleine nature, alors qu'il y a des gens qui peuvent passer », lâche le premier alors que le second insiste sur l'insalubrité des lieux : « j'ai été choqué par tous les déchets et préservatifs trouvés sur place ».
Un amalgame entre homosexualité et pédophilie
Mais l'argument ne va pas faire illusion longtemps et questionné par les magistrats et l'avocate de la partie civile, l'aîné va petit à petit s'enfoncer: « j'ai un petit frère, je me dis qu'il pourrait passer en vélo ici et se faire attraper. On voit des trucs comme ça tous les jours à la télé ».
Un amalgame entre homosexualité et pédophilie pointé du doigt par le conseil de la victime, alors le principal intéressé tente de se raccrocher aux branches : « des fois, on passe en voiture le soir et ils font des appels de phare. Il y a des jeunes qui peuvent se faire embobiner ou même payer s'ils ont besoin d'argent. Vous imaginez si ça arrive à mon petit frère, bichette ! ».
Les impacts de plombs et plusieurs hématomes conduisent à une ITT de dix jours
Si l'agression semble donc revêtir un caractère homophobe, sa brutalité ne laisse pas non plus indifférent le tribunal. Après une première salve d'insultes, alors que le quadragénaire est tenu en joue, les jeunes passent à l'action et ouvrent le feu. La victime présentera plusieurs impacts de plombs dans le dos. Elle prend la fuite mais ils la poursuivent, et la rouent de coups.
Lorsque, plus tard, elle regagne sa voiture pour appeler les secours, ce sont cette fois des jets de pierre qui s'abattent sur le quadragénaire. Les impacts de plombs et plusieurs hématomes conduiront le médecin de l'unité médico judiciaire à prononcer une ITT (incapacité totale de travail) de dix jours, notamment à cause des risques psychologiques liés à cette agression.
« Pourquoi poursuivre la victime ensuite ? »
Dans leur version des faits, les jeunes disent qu'ils s'amusaient à tirer à la carabine à plombs quand le quadragénaire a surgi et les a menacés, en leur indiquant qu'ils n'avaient pas le droit de faire ça et en détaillant les peines encourues. « J'ai eu peur, et j'ai tiré », explique-t-il à la barre. « Alors pourquoi poursuivre la victime ensuite ? », demande la présidente du tribunal. « J'ai cru qu'il allait chercher une arme », rétorque-t-il.
Quant à l'arme utilisée, l'avocat de la défense a souligné qu'il ne s'agissait pas d'une arme à feu : « c'est une carabine à plombs, elle ne fait que 97 cm de longueur et je vous rappelle que la victime assure ne pas avoir été impressionnée par l'arme ». Plus tard, les deux jeunes vont même se tirer dessus, sur la cuisse, pour évaluer la gravité des blessures qu'ils ont pu causer.
Prison avec sursis et plus de 4 300 euros d'indemnités
Après délibérations, le tribunal correctionnel du Puy a reconnu les deux jeunes coupables de l'ensemble des infractions qui leur étaient reprochées, à savoir violences aggravées par trois circonstances : en réunion, avec arme et en raison de l'orientation sexuelle réelle ou supposée de la victime.
Si le Ministère Public avait requis une peine de 18 mois de prison, dont un an avec sursis, le tribunal se montre finalement plus clément, prenant en compte le profil des deux prévenus, insérés professionnellement et sans antécédent judiciaire, et prononce une peine de quinze mois de prison avec sursis simple.
Ils devront également indemniser la victime, dont le préjudice total s'élève à plus de 4 300 euros entre les préjudices matériel, corporel, moral et les frais de justice.
Maxime Pitavy