Le prévenu est un ouvrier-maçon en CDI, âgé de 52 ans, célibataire et n'ayant plus d'enfants à charge. Il réside à Saint-Etienne et travaillait sur un chantier dans le secteur. Il compte déjà trois mentions au casier judiciaire, pour des problèmes de vitesse et d'alcool (mais il n'a jamais eu le permis de conduire), pour un viol (cinq ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et mise à l'épreuve) et une dernière pour ne pas avoir communiqué auprès des autorités son changement d'adresse, alors qu'il y est obligé, puisqu'inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).
Malvoyant et malentendant, l'octogénaire n'a pas senti le scooter arriver
Ce vendredi 30 octobre 2014, le prévenu a terminé sa journée de chantier et regagne son domicile. Lorsqu'il arrive aux Barraques, commune de Cussac-sur-Loire, alors qu'il circule dans le sens de la descente, en direction du Puy, sur la RN 88, un retraité s'avance sur le passage protégé. Ce dernier est mal voyant et présente aussi des troubles de l'audition (ce qui explique qu'il n'ait ni vu ni entendu le scooter arriver).
Il s'appuie sur une canne et tient en laisse un chien (mais pas un chien d'aveugle). Il n'a pas le temps de s'engager plus loin que sur le premier zebra qu'il est heurté par le retroviseur du scooter. Il tombe et sa tete heurte le sol. Cet habitant de Cussac, du hameau de Malpas, alors âgé de 82 ans, décède quelques jours plus tard des suites de ses blessures. Le grave traumatisme crânien qu'il a subi lui aura donc été fatal.
Il n'a jamais passé le permis de conduire et n'a même pas le BSR
A la barre, le prévenu reconnait qu'il a vu le retraité, mais "il était arreté et je pensais pas qu'il allait s'engager. Je suis désolé et j'y pense tous les jours depuis". Il apprend le décès de l'octogénaire quelques jours plus tard dans la presse et décide de présenter ses excuses à la famille de la victime mais "la gendarmerie de Costaros m'a dit qu'il était préférable de ne pas entrer en contact avec ses enfants".
Aujourd'hui, le prévenu utilise toujours son scooter "mais je suis plus vigilant et je m'arrête systématiquement aux passages piétons". Il n'a pas le permis de conduire et ne l'a jamais passé. "Je me suis toujours débrouillé sans et j'ai toujours réussi à travailler", se justifie-t-il. Vu son âge avancé, il n'a même pas le BSR (Brevet de Sécurité Routière, que les jeunes doivent aujourd'hui passer pour conduire un scooter) mais il dit qu'il connait quand même les règles de base de conduite.
"Le lien de causalité ne fait aucun doute car il est bien mort des suites de ses blessures"
Aucun membre de la famille ne s'est porté partie civile pour demander des dommages et intérêts dans cette triste affaire. Seule laCPAM, qui est intervenue pour plus de 7 200 euros de frais d'hospitalisations, s'est portée partie civile et a demandé un remboursement des frais engagés. Le Ministère Public, représenté par Yves Dubuy, a déploré au moment de ses réquisitions : "l'homicide est involontaire, c'est horrible. Il a juste manqué au respect d'une règle de sécurité et les résultats sont dramatiques".
Quant à savoir si l'octogénaire est bien mort à cause de cet accident, le magistrat tranche : "la victime n'est pas morte tout de suite mais le lien de causalité ne fait aucun doute car il est bien mort des suites de ses blessures et il y a quand même une faute de conduite". Comme le prévenu n'a ps été condamné depuis plusieurs années, il a proposé une peine entièrement assortie d'un sursis simple avec un quantum d'au moins 10 mois.
"Depuis, il vit avec ce remord qui reste en lui. A chaque passage piéton, il y repense"
L'avocate de la défense n'a pas souhaité s'attarder sur les faits, qui sont relativement simples et reconnus par son client, qui n'a "jamais cherché à minimiser les faits". "On a tjs peur de faire une maladresse dans ces dossiers d'homicide involontaire", a-t-elle déclaré, "il n'a pas fait exprès comme il l'a dit. Il reconnait qu'il a fauté. Depuis, il vit avec ce remord qui reste en lui. A chaque passage piéton, il y repense".
Elle s'est montré plutôt en accord avec les réquisitions du Ministère Public, demandant une peine un peu plus clémente compte tenu que son client "est inséré socialement et professionnellement et exprime des regrets sincères". Enfin, elle a estimé que la demande de la CPAM devait être irrecevable puisqu'il n'y a pas de constitution de partie civile de la famille de la victime.
Après délibérations, le tribunal a reconnu le quinquagénaire coupable des deux infractions reprochées et l'a condamné à une peine de huit mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve pour l'homiide involontaire, ainsi que d'une contravention (quatrième classe) de 100 euros à régler au trésor public pour le refus de priorité. La CPAM a été jugée irrecevable car il n'y avait pas d'autre partie civile.