En début d'après-midi ce mardi 15 juillet 2014, Tristan, Corto et Torrence se rendent sur la piste du loup. Formés par Manoël Atman, président de l'association Alliance avec Les Loups, les trois enfants décident de partir à la recherche d'indices du passage de ces canidés. Mais ils ne s'attendaient pas à cette surprenante découverte.
Un événement pour l'association
Très proches de la nature et habitués à pister, ils sont d'abord alertés par l'odeur, puis reconnaissent une robe et une dentition peu commune qui les pousse à alerter le président de l'association.
Face à la carcasse, nulle place au doute pour Manoël Atman: l'animal retrouvé est un lynx. Le crâne de petite taille laisse penser que la carcasse retrouvée serait celle d'un petit, ce qui induirait reproduction et donc présence d'une famille de lynx sur notre territoire.
L'analyse déterminera s'il s'agit bien d'un lynx
Jusqu'ici, rien n'est encore sûr mais la trouvaille sera analysée par l'association Groupe Mammalogique Auvergne (GMA) dans les jours qui viennent. Elle déterminera s'il s'agit effectivement d'un lynx, son âge et dans quelles circonstances l'animal est mort.
Pour Manoël Atman, « il ne peut pas s'agir d'un chasseur, la mort est soit naturelle, soit provoquée par une maladie ou un empoisonnement ». Le militant de la cause animale se félicite d'une telle découverte dans le Massif Central, il est ravi d'avoir à ses côtés des jeunes investis pour cette cause.
----Le lynx était présent en Haute-Loire jusqu'au XIXème siècle. Le musée Crozatier du Puy-en-Velay détient d'ailleurs un spécimen empaillé tué aux alentours de Saint-Julien Chapteuil en 1822. Mais le braconnage l'emportera et éradiquera l'animal de l'hexagone d'ici la fin du siècle.-----Une réintroduction réussie
Dans les années 1970 a eu lieu un programme de réintroduction de lynx en France avec des relâchés dans les Vosges, dans le Massif Alpin (côté France et Suisse) et dans le Jura. Suivi depuis presque 40 ans par une cellule technique de l'Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), le lynx connaît une population en très fort déclin dans les Vosges.
Ce phénomène rapide et inquiétant, probablement dû au braconnage, n'est heureusement pas étendu dans toute la France. Bien portante dans le Jura et dans les Alpes, le lynx s'émancipe et on assiste à un phénomène de recolonisation du territoire de l'Est vers l'Ouest. Même si ce phénomène est lent, avec très peu d'individus, il pourrait être à l'origine de la possible présence du lynx en Haute-Loire.
----L'été dernier, un couple avait assuré avoir vu un lynx au pied du massif du Mézenc mais sans pouvoir en apporter la preuve.-----Peu de lynx en Auvergne
Dans les 50 dernières années, la région Auvergne ne dénombre aucun contact officiel avec l'animal. Malgré quelques suspicions dans les années 2000 de la possible présence d'un individu entre la montagne bourbonnaise et les monts du Forez ainsi qu'entre 2008 et 2012, l'association reste prudente. L'analyse du cadavre retrouvé ce mardi n'est pas encore faite et rien n'a été prouvé.
Avec une population approchant les 150 individus en France, le lynx reste donc officiellement absent en Auvergne... pour l'instant. « Dans le meilleur des cas, il y aurait quelques lynx », annonce la GMA, mais « on ne sait pas où ils se trouvent exactement puisque le territoire du lynx peut atteindre les 30 000 hectares ».
Une cohabitation possible pour certains, inenvisageable pour d'autres
Si l'information s’avérait vraie, ce serait une « bonne nouvelle tout d'abord pour la biodiversité en général mais aussi pour l'espèce elle-même », souligne la GMA. Toujours d'après l'association, aucune crainte n'est à avoir, ni pour la population ni pour le bétail : « Il y a un vrai suivi et c'est aujourd'hui une question d'acceptation et de mentalité ».
Les élèveurs sur leur garde
Dans un tout autre discours, Yannick Fialip, le président de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA), nous confie ne pas être de cet avis. Le lynx serait un animal dangereux pour le bétail. A l'heure actuelle, le phénomène reste isolé mais si celui-ci venait à prendre de l'ampleur, la fédération n'hésiterait pas à réagir. "Le lynx est tout d'abord dangereux pour les moutons mais aussi pour les vaches allaitantes" précise-t-il, l'appréhension et la peur des animaux provoquant des fausses couches. "Il en va de la protection des animaux face aux intrus", ajoute le président de la FDSEA43. C'est donc une mauvaise nouvelle pour les éléveurs qui n'hésiteront pas à demander, si besoin est, un plan d'abattage pour "éradiquer l'espèce qui n'est pas la bienvenue et qui doit rester dans la haute montagne où il y a peu d'habitations et peu d'animaux domestiques". Pour l'heure, la préfecture de Haute-Loire n'a pas été sollicitée à ce sujet.
N.P.
> Lire nos articles précédents à ce sujet :
Les agriculteurs en ont marre du grand méchant loup - 23/08/2013
A Langogne, les éleveurs de Haute-Loire manifestent contre le loup - 22/08/2013
Le loup est-il un loup pour l'homme ? - 02/07/2013