A Pradelles, petite bourgade de 615 habitants au dernier recensement, le climat qui s'annonce pour les prochaines élections municipales est loin d'être au beau fixe. Marc Liabeuf, le maire sortant, a décidé de tirer sa révérence après trois mandats consécutifs.
Il faut dire que les débats font rage, ou les injures, c’est selon. Fin février, un candidat était entendu au tribunal correctionnel du Puy-en-Velay pour des faits d’injure publique adressée à l’encontre de l'actuel maire du village.
"Renégats, magouilleurs, escrocs"
C’est le 16 décembre 2013 que cet homme de 57 ans publie, via une page Facebook intitulée « Sauvons Pradelles », des propos à l’égard de Marc Liabeuf, actuel maire de la commune. L’homme dénonce « une république bananière » avec à sa tête des « tontons macoutes », des « renégats », des « magouilleurs » et des « escrocs » qu’il faut « mettre dehors ».
La page a depuis été supprimée. Dans un autre article intitulé « Pamphlet aux élus de Pradelles », l’homme poursuit ses attaques en accusant le maire « d’enrichissement personnel » : « Il y a le premier, l’aîné, le calife, corrompu jusqu’à la moelle. »
« Ce ne sont pas des injures »
Le prévenu, lors du jugement fin février, est venu avec un épais dossier pour appuyer ce qu’il affirme être des vérités : il n’a pas l’intention de se laisser faire lorsque le président de l’audience, André-Frédéric Delay, lui explique la raison de sa convocation aujourd’hui.
« Le problème, Monsieur, ce n’est pas le litige que vous entretenez avec la municipalité. Considérez-vous que vous êtes en droit d’utiliser des injures ? » - « Ce ne sont pas des injures. Sinon on n’a qu’à interdire Stéphane Guillon, Eric Zemmour et tous les journalistes. » L’homme estime avoir « frappé fort » mais ne reconnait pas la violence de son phrasé.
« Trop, c’est trop »
Il accuse le maire de Pradelles de faire preuve de favoritisme, de faire profiter « des membres de sa famille alors qu’il y a des chômeurs à Pradelles ». Le quinquagénaire considère être dans la défense, et non dans l’insulte. Le substitut du Procureur, Angélique Depetris, est sidérée : « Il ne devrait pas y avoir plus sage qu’un débat démocratique. Ces termes n’ont pas leur place dans une campagne électorale. »
L’un des deux avocats de la partie civile, Me Schott, intervient et s’adresse au prévenu : « Est-ce que vous pensez que les insultes ont leur place dans un débat démocratique ? » Il rappelle la définition de l’injure et l’oppose à celle de la diffamation : « On ne peut jamais faire la preuve du fait injurieux, parce que l’injure est faite avec la seule intention de nuire. » L’homme, qui cherche à prouver que ce qu’il avance n’est pas faux, ne semble pas réaliser qu’il ne peut pas juridiquement justifier l’emploi d’insultes. « Il n’a pas conscience des dégâts qu’il peut commettre. Trop, c’est trop », conclut l’avocat.
Reconnu coupable par le tribunal
Le second avocat de la partie civile, Me Chambon, demande un euro symbolique de réparation et 2000 euros pour couvrir les frais d’avocat. Le ministère publique, de son côté, « ne comprend pas comment on peut en arriver si bas pour une mairie de village » et requiert 1 000 euros d’amende.
« J’ai attaqué une campagne électorale, j’ai suivi mes idées », conclut le prévenu qui a finalement été fixé sur son sort ce mardi 11 mars : reconnu coupable, il est condamné à une amende de 500 euros et devra rembourser les frais de justice de la victime (en l'occurence le maire sortant) à hauteur de 1 500 euros. Marc Liabeuf s'était constitué partie civile et a été jugé recevable : il reçoit un euro symbolique de dommages et intérêts.
A.L. et M.P.