Un salarié qui détourne 220 000 euros de travaux, cinq patrons en huit ans, un tiers des salariés qui ont volé vers d'autres cieux depuis 2017. L'enquête de La Montagne expose cette semaine des dérives effrayantes au sein de l'Ophis 63. Le bailleur social s'occupe pourtant plus de 35 000 locataires. La Chambre régionale des comptes a relevé que : "L'organigramme a été profondément remanié sur une courte période à deux reprises, en 2017 et 2020, ce qui a généré une instabilité perturbatrice du fonctionnement interne et une dégradation des conditions de travail." Les experts se concentrent essentiellement sur la gestion de l'entreprise et sur les carences de contrôle et de management.
35 000 locataires
C'est un peu vite oublié que l'Ophis 63 gère la vie de 35 000 âmes. Que si la situation des employés est intenable, qu'en est-il du ressenti des habitants ?
Les logements de l'Ophis dans le Puy-de-Dôme.
Photo par Screenshot Ophis.fr
"Personne ne nous pose la question, peut-être parce qu'on est dans un logement social. On a le droit de rien dire", dénonce André qui loge à Romagnat. "Il n'y a pas de fierté à habiter là. Alors on n'ose pas toujours râler. Et puis râler auprès de qui ?", demande Fatima, à Clermont. "Quand on appelle l'Ophis, personne ne nous répond. On peut se tourner vers qui ? On se débrouille, ou on baisse les bras", conclut la mère de famille. La Chambre des comptes a l'explication au manque de répondant. "L'Ophis ne répond qu'à un appel sur deux, en raison de son important sous-dimensionnement, un employé pour 3 500 locataires", avance son rapport.
Une réponse à un appel sur deux
Mais, pourquoi tant d'appels ? "Souvent, ils se trompent dans les quittances de loyer. Ils envoient des lettres de menaces, de relances, alors qu'on a déjà payé le loyer. Ils ne s'excusent pas, ne répondent pas. D'accord le loyer est peut-être moins cher qu'ailleurs, mais le logement est mal isolé, parfois mal fréquenté et si c'est pour payer deux fois le loyer", ironise André. "Ils laissent les logements pourrir, je suis ici depuis trente ans, on ne retape jamais l'intérieur, forcément on vit dedans, l'appartement s'abîme", explique Bernard, à Chamalières. Souvent, quand les locataires contactent l'Ophis, l'organisme tente de faire payer les réparations aux locataires. "On a eu une inondation parce que la salle de bain tombe en ruine. Ils ont essayé de me faire déclarer en dégât des eaux, pour que ce soit moi qui paye la franchise", raconte Mathilde. Des portes d'entrées qui ne ferment pas, non réparées, des chaudières cassées et beaucoup d'autres dysfonctionnements ressortent des paroles des habitants.
Les travaux et derrière le parking inaccessible.
Photo par LB
"Dans des logements sociaux, mais on reste des humains"
"Mais le pire, pour nous, c'est aujourd'hui. Notre résidence est en travaux pendant presque un an. En temps normal, on paye déjà notre place de parking dans le logement et il n'y a pas assez de places. Donc on se gare sur le boulevard. Là, il y a donc un an de travaux, où ils coupent la moitié de la résidence sans réfléchir. On doit rentrer et sortir par le haut de la résidence, une petite voie en côte. C'est dangereux, inconscient et surtout au mépris du respect de la vie des gens. On a eu des rats morts dans les sous-sols, jamais enlevés, donc des maladies.... et j'en oublie sûrement", explique Bernard. "On est des petits, dans des logements sociaux, mais on reste des humains", conclut André. La Chambre des comptes le disait, à demi-mots : "la vocation première des fonds mis à la disposition de l'Ophis doit rester la construction et la réhabilitation de logements sociaux, et non l'arbitrage entre placements générateurs de produits financiers".