Une œuvre en Origami pour lutter contre les violences faites aux femmes
Église des Carmes, rien ne va plus (1/2)
La société Le Compagnon Construction et Restauration a tenté de renaître de ses cendres par une offre de rachat pour le moins farfelue et pour tout dire en partie immorale. Dans cette offre, une nouvelle SA en constitution par les fils du dirigeant souhaitaient tout reprendre. Le tout pour 50 000 euros seulement.
Celle-ci a été rejetée par le tribunal de commerce dans un jugement du vendredi 5 février car dans ce dossier comme dans tout ce qui le touche depuis le début rien ne va.
La semaine passée, nous avons écrit que le chantier de l’église des Carmes semblait à nouveau être actif. L’adjointe chargée des travaux à la mairie nous avait confirmé qu’il s’agissait de travaux de mise en sécurité qui avaient été confiés à l’entreprise chargée du lot maçonnerie.
Malgré sa mise en liquidation en décembre, l'entreprise intervenait légalement, car le tribunal de commerce lui avait donné une autorisation de continuation temporaire "afin de permettre d'organiser la cession de l'entreprise dans le cadre de la liquidation judiciaire" précisait Maître Petavy, mandataire liquidateur et gérant par intérim de la société LCCR mise en liquidation judiciaire par ce même tribunal de commerce, le 16 décembre 2020.
Dans le même temps la société a tenté un coup pour racheter l'entreprise en créant une nouvelle Société. Mais Rémy étant déjà associé minoritaire de la première entreprise ne pouvait normalement pas postuler à ce rachat sans une exception relevé par le procureur de la République.
Il n'y avait que peu de chance que l'entreprise puisse de toute façon reprendre le marché de l'église des Carmes, et il y aura forcément un nouvel appel d'offre. En rachetant les biens du failli dont, les échafaudages, les véhicules, le contrat-bail de la grue et sans aucun doute le stock de pierres de construction pour une somme ridicule, ils allaient bloquer le chantier et mettre encore plus de complexité dans un dossier qui n'en n'a pas besoin.
Dans ce montage, la mairie comme la communauté d'agglomération qui a, elle, racheté les terrains à Taulhac d'une SCI (créée il y a 12 ans pour séparer l'entreprise et les locaux qu'occupent pourtant encore, à ce jour le maçon), sont les dindons de la farce; les contribuables aussi.
Une procédure d’appel d’offres “tirée par les cheveux”
L’entreprise LCCR (Le Compagnon Construction et Restauration) avait obtenu le chantier au prix de distorsions de la règle sur les attributions d’offres de marchés publics qui ont été largement dénoncées par l’opposition politique en 2015.
Le président de région, Laurent Wauquiez, a souvent affirmé publiquement qu’il faisait fi des règles des appels d’offres afin de privilégier l’attribution des travaux aux entreprises locales.
On pourrait gloser sur la question mais, au moins, la position est claire et libre à chacun de demander un contrôle de légalité a posteriori.
Dans l’attribution spécifique de celui de l’église des Carmes, le choix a été fait d’attribuer le lot maçonnerie à une entreprise locale qui bien que classée en 3ème position des 3 candidats à avoir postulés était opportunément aussi la moins-disante (offre la moins chère).
“Vous allez pousser Armel Le Compagnon à enjamber la clôture qui sépare l'église des Carmes du tribunal de commerce”.
Ce choix s’était fait au détriment d’une autre entreprise locale “les ateliers de Chanteloube” qui avait obtenu l’annulation de ce premier appel d’offre avec à la fin le même résultat. Le chiffrage de LCCR était inférieur de bien plus de la moitié des autres offres.
A cette époque Didier Allibert, conseiller municipal d’opposition avait utilisé la métaphore ci-dessus qui prédisait que l’entreprise LCCR était trop fragile pour ce marché au regard de la faiblesse du montant du chiffrage.
Les deux bâtiments sont en effet quasi mitoyens. Au-delà de l'image, la prédiction s’est, malheureusement pour l’entreprise et pour les salariés, avérée visionnaire.
Très chers avenants pour des pierres de construction ...
Dans les chantiers publics, il est courant que des avenants soient signés au cours du chantier. Ils prennent en compte des imprévus, qui sont fréquents dans les chantiers de restauration. Ils permettent aussi aux soumissionnaires de baisser le montant de leur offre initiale en comptant sur le fait que ces avenants qui ne sont, eux, pas soumis à de nouveaux appels d’offres, viendront compenser le manque à gagner pour le vainqueur de l’appel d’offre.
C’est inique mais comme tout le monde connaît ces règles et les admet, elles sont devenues une sorte de norme.
Le chef d’entreprise expliquait en 2016 que l'église des Carmes avait été construite avec des matériaux locaux de très mauvaise qualité.
Le chef d'entreprise, lors d’une visite de chantier, avait fait noter, à des journalistes invités, que les matériaux d’origine en tuf volcanique étaient de très mauvaise qualité. En outre, de son point de vue, on ne pouvait plus trouver sur place de belles pierres.
Lors de la restauration de l'église Saint-Laurent au Puy, les pierres avaient été extraites d'une carrière de La Chomette dans le 43.
Un premier avenant avait donc été signé en octobre 2018, entre autres pour compenser le surcoût de pierres de construction d'importation, pour une somme de plusieurs dizaines de milliers d’euros (60 900 euros). Ce sont les désormais “célèbres” pierres importées depuis l’Indonésie.
Le prix s’en trouva modifié et pas qu’un peu.
L’année suivante, l'entrepreneur est revenu vers la mairie du Puy pour demander un nouvel avenant. La raison invoquée était que la réglementation indonésienne liée à l'exportation des pierres avait changée. Désormais la réglementation imposait l’exportation de blocs taillés plus chers et plus des blocs bruts.
Un deuxième avenant a été signé à peine plus de huit mois plus tard à nouveau pour des pierres (sculptées cette fois) pour un montant de 174 450 euros et le délai de réalisation du chantier avait été repoussé au 31 décembre 2019.
Il y a donc au moment du jugement de liquidation judiciaire 12 mois de retard. Le marché était assorti de pénalités comme il en est l'usage.
Que disent les chiffres ?
Nous publions au bas de l'article les captures d'écran des autres compte-rendus de conseil municipal ayant attrait au chantier des Carmes.
Celui de la délibération initiale d'attribution du marché de 1 237 000 euros
Celui du debours 2019 363 000, et celui du prévisionnel d'investissement de 517 000 euros pour 2020, date prévue de la fin du chantier.
Ce document tendrait à conclure que
1 237 000 + les avenants
1 472 000
- 517 000 au budget d'investissement pour 2020
= 955 000 auraient été déboursés auparavant par la mairie
(dont 363 000 en 2019).
...Stock déprécié dans une offre de reprise des fils candidats-repreneurs en janvier 2021
Quant à ces pierres, celles qui n’ont pas été installées doivent être aujourd’hui dans le stock de l’entreprise sur le parc de Taulhac (voir photo). Ce stock a été évalué par les fils de l'entrepreneur dans une offre de reprise faite en janvier 2021 au Tribunal de commerce à 10 000 euros.
Le rejet de l'offre de reprise va encore retarder le chantier des Carmes
Vendredi 5 février, un nouvel aléa qui va encore contraindre la mairie et les administrés à faire preuve de patience.
Le Tribunal de Commerce avait reçu une seule offre de reprise pour l’entreprise. Un jugement publié le vendredi 5 février la rejette et pour cause.
Elle émanait des propres fils de Monsieur Le Compagnon. Pourtant, la loi interdit par principe qu’un des administrateurs participe à la reprise de son entreprise en liquidation judiciaire (article L 642-3 du code de commerce). Ceux-ci prévoyaient de reprendre la totalité de l’entreprise, les salariés (8), le stock et les chantiers et les contrats de crédit-bail. Le tout pour un montant de 50 000 euros.
D'autre part, l'offre était tellement basse et mal ficelée que les juges n'ont pu que se rendre à l'évidence et la déclarer non recevable.
Encore une surprise à l’audience de l'offre de reprise du 25 janvier 2021
Pour être entendu par le tribunal, il existait quand même une possibilité . A cet effet, il faut que le procureur de la république dépose une requête spécifique auprès du Tribunal de Commerce pour permettre une exception à ce principe ( c'est ce que dit le deuxième alinéa de l'article L642-3). Or, fait étonnant, le procureur a justement présenté cette requête par oral le jour de l'audience.
Surprise, le Tribunal de Commerce l’a acceptée dans la foulée. L'offre a donc été étudiée malgré une impréparation en tous points remarquables des demandeurs.
Etonnant aussi est la somme de rachat avancée 50 000 euros. En balance, le mandataire judiciaire a annoncé un passif de 950 000 euros.
Il est même observé par le mandataire judiciaire que "Le prix proposé par le cessionnaire pour les éléments corporels de l'actif de la SA LE COMPAGNON CONSTRUCTION RESTAURATION est faible au regard de l'estimation du commissaire priseur inférieur de plus de 50 %".
Plus loin, les attendus du jugement remarquent que les chiffres d'affaires estimatifs fournis par la société en construction ne sont corroborés par aucune donnée tangible. les autres parties sont toutes aussi sceptiques sur leur réalisation.
Une offre globale de 50 000 euros, seulement pour un passif d'au moins 950 000 euros.
Du coup cette offre a été rejetée par le tribunal. Cela entraîne deux conséquences immédiates.
- Licenciement des 8 salariés qui doit être mis en oeuvre dans un délai d’un mois
- Vente aux enchères des biens de l’entreprise.
Et, là encore, force est de constater que pas grand chose ne va.
Les documents étudiés par le Tribunal de Commerce font état d’un patrimoine évalué par Maître Casal, le commissaire-priseur au Puy qui n’était sans doute pas les plus appropriés. En effet, les chiffres produits sont ceux d’un état réalisé en septembre 2019. Il avait été établi sur requête du tribunal, au moment où l’entreprise avait été placée en redressement judiciaire.
C’est normal, il faut bien fixer l’état des biens possédés par l’entreprise au moment où celle-ci voit ses créances figées. Ce patrimoine constitue une sorte de garantie pour les créanciers, au premiers rangs desquels se trouve l’Etat et les salariés de l’entreprise.
En septembre 2019, le patrimoine avait été estimé comme suit "Il en ressort que l'actif total a été estimé à 180 656,00 euros en valeur d'exploitation et 93 400,00 euros en valeur de vente aux enchères publiques"
Au moment du jugement de liquidation judiciaire, on se trouve dans une nouvelle phase. Le commissaire-priseur doit faire une nouvelle estimation du patrimoine de l’entreprise. Ça s'appelle un récolement. Les estimations apportées dans l’offre de reprise se basaient donc sur un état du patrimoine qui remontait à 18 mois, et non à celui qui aurait dû être ordonné par le tribunal après le jugement de liquidation.
"Il n' y a pas de récolement depuis le premier état des biens de septembre 2019"
En effet, selon les règles en vigueur, le commissaire-priseur doit normalement être saisi à nouveau afin de réévaluer le patrimoine de l'entreprise par le Tribunal de Commerce dans un délai légal précis. Il devra l'être en tous cas, avant la phase de vente aux enchères publiques.
Non seulement, cette saisine n’a pas été ordonnée à l'heure où nous écrivons (presque deux mois après le jugement) mais l'étude du commissaire-priseur n'est même pas informée par le tribunal de commerce. Nous le lui avons appris.
De son côté, la mairie a déclaré devoir porter les créances de la mairie constituées par au moins les pénalités de retard, ce qui viendra alourdir le passif.
Mais on peut gager que celle-ci ne verra jamais cet argent car les créanciers prioritaires (on dit privilégiés) comme l'Urssaf, le trésor public, les salariés et les banques devraient engloutir le solde de la vente aux enchères. D'autres créances seront peut-être portées à la connaissance du liquidateur comme des avances sur facturation payées par la mairie.
Il y a un conseil municipal durant la semaine du 22 février où, on devrait parler de cette affaire.
Pour le moment, on doit encore continuer notre analyse et tirer le fil de l'écheveau, car malheureusement, les inconvénients de cette mise en liquidation judiciaire ne s'arrêtent pas là pour la mairie du Puy-en-Velay, maître d'ouvrage d'un chantier qui n'en finit pas.
Ce sera pour une prochaine fois.Il faut bien laisser souffler tout le monde
La constellation de société autour du dirigeant Le Compagnon
On pourra noter en passant que ces dernières années les salariés de l'entreprise de maçonnerie SA L.C.C.R. ont travaillé par le passé (et peut-être encore) pour le compte d'une autre société immatriculée sous le nom de REMAPA qui est Société civile immobilière de construction-Vente (SCICV). Celle-ci propose à des clients de livrer des chantiers clés en mains, pas seulement le gros oeuvre.
Son gérant et fondateur en est Armel Le Compagnon. Sa publicité a été publiée par annonce légale dans la Haute Loire paysanne du 11 Avril 2014.
Juridiquement cette forme particulière de SCI dite SCICV ou SCCV ne doit pas faire ce type de prestation mais construire en vue de revendre (Son principe est de permettre de construire des biens immobiliers avec pour objectif de les céder à des tiers afin de tirer un bénéfice de l’opération. source: legalplace.fr)
Elle semble, elle-aussi, connaître des difficultés en particulier auprès des fournisseurs locaux qui ne lui donnent plus de crédit.
Il y a encore d'autres sociétés dans la constellation du dirigeant.
T.C.
Vos commentaires
Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire
8 commentaires
Bon travail de journaliste
A la hauteur de la presse de grands quotidiens nationaux.
Et sans complaisance!
Bravo
Continuez comme cela
Et qu'en est-il de la maitrise d’œuvre,que fait elle??
merci à Zoom d'éclairer les citoyens sur ces dossiers plus qu'opaques.
On peut se poser beaucoup de questions sur la complicité de la Région et de la ville du Puy dans cette affaire ténébreuse. Si l'opposition avait été écoutée nous n'en serions pas là. C'est encore le contribuable qui va faire les frais d'une gestion déplorable (cf rachat du terrain par l'agglomération ). Pour bientôt les photos avec les repreneurs ?????
Il fallait abandonner la façade et les tours du XIX ème siècle, construites sur ses seuls deniers personnels (donc à l'économie, avec des pierres locales pas chères mais mauvaises) par le curé de l'époque. En revenant à la façade basse du Moyen Age on aurait fait plus authentique et moins cher
le favoritisme dans les marchés publics est un délit encore faut il que l'administration chargée du contrôle de la légalité veuille bien le dénoncer ou qu'une entreprisse lésée dépose plainte auprès de la juridiction compétente mais rien de tout ça c'est a croire que tout le monde se satisfaisait de la situation de toute façon il faudra payer et le contribuable ouvrira encore une fois son porte monnaie
C'est beau n'est-ce pas?
Il y a des règles votées souvent par les mêmes qui ne les respectent pas.
Et ces gens là donnent des leçons à longueur de temps.
On feint de s'étonner ensuite du désordre.
Honteux
Voilà à quoi mène la priorité de choix, en passant outre les appels d'offre légaux, aux entreprises locales qui sont incapables d'assumer des chantiers de grande envergure !! N'est-ce pas monsieur le président de Région ?? Au fait, qu'en pense t-il ? Dans quel domaine que ce soit, le copinage n'a rien de bon. Maintenant, il faut s' attendre à un surcoût inévitable des travaux, si travaux il y a (?), car l'entreprise qui va reprendre le chantier va certainement exiger, et quoi de plus normal, un "nettoyage" des lieux avant de s' impliquer sans en avoir à supporter les frais...Nous ne sommes pas prêts de revoir des élus posant sur des photos du chantier. Bon courage.