Colère agricole : actions coup de poing de la Coordination Rurale
Vive tension et ciel de plomb à Ferrussac
Le 16 avril, des randonneurs ont déposé plainte à la gendarmerie de Langeac. Leur motivation ? Avoir pique-niqué sur un chemin communal à Ferrussac pendant que des impacts de balles éclataient autour d’eux.
Cette énième plainte contre le Domaine de Raboulet remet en ligne de mire cette bizarrerie incroyable : que des passionnés d’armes à feu puissent s’adonner à leur activité pendant que des marcheurs évoluent à 20 mètres des cibles.
« Nous souhaitons vous informer d'une situation préoccupante sur la commune de Ferrussac. Nous faisons partie d'un groupe d'une vingtaine d'amis randonneurs et randonneuses qui se sont retrouvés dimanche 16 avril 2023 à 10h30 au lieu-dit « Le Génibre », sur le chemin communal de Volmat à Lair de Ferrussac ». Ainsi commence la lettre signée par 11 personnes, envoyée le jour même à la Procureure du Tribunal Judiciaire du Puy-en-Velay.
Le courrier plante ensuite le décor : « Nous avons emprunté la voie communale publique qui traverse le Domaine de Raboulet. Peu de temps après notre départ, des tirs se sont fait entendre, à notre grand étonnement, puisque nous avons connaissance de l'interdiction de tir prononcée à l'encontre de Jean Favard, propriétaire du domaine, par la Cour d'appel de Riom en date du 8 septembre 2022 ».
« Assis au sol, nous avons eu peur de nous relever, continue la missive. Nous avons interpellé la gendarmerie de Langeac par téléphone pour les informer et demander leur intervention. Les gendarmes se sont déplacés et nous ont dits qu'ils allaient assurer notre sécurité ».
« En 25 ans, j’ai subi d’innombrables contestations de ces gens qui sont des opposants à tout »
Pour comprendre cette histoire, qui ne date pas d’hier, il faut imaginer un espace privé d’environ 300 hectares composé de collines, de forêts et de vallées. Posé à Ferrussac au milieu de cette oasis de verdure, le Domaine de Raboulet. Ce dernier propose hébergement et restauration, chasse et pêche, et...une activité de Tir Longue Distance (TLD) allant jusqu’à 1 650 mètres (d’après le site de la société). Trois millions de m² privatisés au plus grand bonheur des fans d’armes à feu.
Sauf que...au milieu serpente un frêle chemin de terre qui s’avère être, lui, public. Depuis son ouverture en 1998, le Domaine de Raboulet se retrouve alors dans une guerre des tranchées où s’opposent les riverains du domaine et le maître du lieu. « En 25 ans, j’ai subi d’innombrables contestations de ces gens qui sont des opposants à tout, lance le propriétaire Jean Favard. Pourtant, toutes leurs plaintes ont été une à une cassées par la justice ». Toutes ? Presque…
« Nous respectons bien entendu cet arrêté »
Un arrêté préfectoral datant du 21 décembre 2017, signé de la main de l’ancien Préfet Yves Rousset, décide que « l’activité de Tir Longue Distance est suspendue sur le domaine de Raboulet dans l’attente de l’évaluation des conditions de sécurité d’exercice de cette activité ». Et surtout que cette activité est interdite au-dessus du chemin communal n°3, fameux sentier public qui coupe le domaine privé.
« Oui, je reconnais l’existence de cet arrêté, admet Jean Favard. Il m’empêchait le Tir longue Distance, mais pas des autres tirs. Nous respectons bien entendu cet arrêté en nous concentrant à présent sur la formation en tir de chasse. Ce type de tir n’excède pas la distance de 600 mètres ».
« Si je le voulais, je pourrais embaucher quelqu’un pour organiser à ma place cette activité »
Un autre document judiciaire confirme la culpabilité du propriétaire « de faits délictueux ». La Cour d’appel de Riom, le jeudi 8 septembre 2022, rend son jugement après la plainte d’une trentaine de personnes déposée en 2020. Outre le sursis, elle prononce à son encontre et « à titre définitif, l’interdiction d’exercer l’activité proposant du Tir Longue Distance ».
« Cette interdiction me concerne personnellement, précise Jean Favard. Cela veut dire que, si je le voulais, je pourrais embaucher quelqu’un pour organiser à ma place cette activité TLD sur mon domaine. Or, je ne le fais pas ».
Des stages TLD au programme à Raboulet
Pourtant, des éléments ne concordent pas exactement avec la bonne foi du propriétaire terrien. Par exemple, sur le site spécialisé « dynamic-evolution-shooting », il est indiqué des stages TLD et ELR (Extra Long Range, très longue portée en français) les 22 et 23 avril et du 19 au 22 octobre 2023 qui se déroulent...dans le domaine privé de Raboulet à Langeac, « un domaine unique en Europe », d’après les termes employés sur le site Internet.
Sur la page Facebook du même site, des images montrent la préparation des armes pour tirer à longue distance avec la date du 21 avril 2023 à Langeac. Sur l’une d’elles, on devine l’espace des cibles et le virage que fait le chemin public communal à proximité.
Une enquête judiciaire en cours et une fermeture administrative à l'étude
Nous avons demandé à Nathalie Vizade, Maire de Ferrussac, de s’exprimer sur le sujet. « Je ne veux rien dire. Cette histoire est très compliquée et tendue ».
La sous-préfecture de Brioude a, néanmoins, bien voulu donner quelques éléments de réponse à nos questions. « C'est une situation que je connais bien, assure la Sous-préfète Catherine Haller. Jean Favard doit respecter l'arrêté préfectoral de 2017 et les jugements qui ont suivi. L'interdiction concerne les tirs de longue distance qui correspond, selon la Fédération Française de Tirs, à des jets de moins de 300 mètres ».
Elle ajoute encore : « Il se peut que Jean Favard ne se conforme pas scrupuleusement aux décisions de justice. En ce sens, une enquête judiciaire est en cours et Madame la Procureure s'est emparée du dossier ».
Par le biais d'un courrier daté du 18 avril 2023, le Collectif contre les nuisances de Raboulet demande à Catherine Haller : « Lors de notre dernière rencontre, vous nous avez parlé d’une fermeture administrative. Qu’en est-il ? ». À cette requête, elle répond : « Cette possibilité est en effet à l'étude ».
« Si violation de l’interdiction judiciaire il y a, c'est un an d’emprisonnement encouru »
Cathy Pajon, Procureure de la République du Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, affirme de son côté : « Est ce que Monsieur Jean Favard viole l’interdiction d’exercer la pratique du tir de longue distance et s’il y a d’autres infractions caractérisées à son encontre ? C’est l’objet de l’enquête. Les investigations étant en cours, je ne peux révéler des éléments sur le sujet ».
Elle ajoute aussi :« Nous nous servons de toutes les informations possibles, quelles soient numériques ou issues des acteurs concernés comme le propriétaire du domaine, les plaignants et les gendarmes sur place. L’enquête a commencé il y a environ deux mois. On devrait pouvoir la clôturer avant cet été ».
Avant de terminer ainsi : « Si violation de l’interdiction judiciaire il y a, c'est un an d’emprisonnement encouru ». À la question d’un risque de fermeture administrative, Cathy Pajon souligne que cette compétence revient aux services de la préfecture de la Haute-Loire.
« Quand il a acheté ce domaine, Jean Favard a voulu que soit fermé le chemin public. Mais l’association des Amis de la Ramade s'est battue contre ça. Le chemin est donc resté ouvert à qui que ce soit ». Une habitante de Ferrussac
« Avoir conscience que des balles passent au-dessus de nos têtes »
Ces inactions et ces silences apparaissent de plus en plus assourdissants pour les riverains. « Nous avons peur à chaque fois que nous nous promenons sur le chemin public, se désole une habitante de Ferrussac. Avoir conscience que des balles passent au-dessus de nos têtes génèrent un véritable sentiment d’insécurité ».
D’après elle, quand session de tirs il y a, les déflagrations commencent à 9 heures pour terminer à 18 heures. « Ce sont des milliers de coups de fusils qui résonnent dans la vallée à des kilomètres à la ronde ! »
« Faut-il que quelqu’un se fasse toucher par une balle »
Elle continue en ces mots : « Nous éprouvons une grande injustice, car nous savons pertinemment qu’il continue les tirs de longues distances, activité totalement interdite par décision de justice. Et rien n’est fait. Rien ne bouge ».
Avant de terminer ainsi : « Qui interpeller pour que les choses changent ? Que faire ? Faut-il que quelqu’un se fasse toucher par une balle pour réveiller la conscience des institutions et des élus ? ».
Séance de tirs au Domaine de Raboulet, vidéo postée le 7 novembre 2022 ▼
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9 commentaires
l ' armée embauche si vous aimez le tir pourquoi pas
Des randonneurs qui piquenique cachés près des tirs ne sont pas inquiets . Lorsqu'on les aperçoit on devine des opposants et la gendarmerie semble avoir compris . Etonnant le commentaire de ha , il paraissait pourtant sympa
Nicolas,vous avez omis de noter que " l'interprétation" de l'arreté préfectoral du 21 decembre 2017 pour interdire le TLD a Raboulet interdit aussi la chasse du grand gibier a la carabine depuis cette date ! Quid des plaintes et accidents de chasse depuis ? Vous noterez que la prefecture avait deja fait cette erreur en 2009
mh 24/05/2023 - 10h34.
Pourquoi ne pas trouver une solution amiable?. Etablir un calendrier des journées de tir avec accès interdit à ce chemin et de l'ouvrir les autres jours, la sécurité serait assurée. Tout le monde serait gagnant au lieu de toujours et comme d'habitude laisser les différentes catégories de personnes se provoquer, se contredirent, et faire d'interminables pràcès en justice qui ne donnent aucune solution efficace et rapide. Une médiation entre les deux parties débloquerait peut-être la situation avant qu'il n'arrive un drame.
Comme toujours la ( justice ) ne fait PAS correctement son travail !!!! TROP clémente Elle contribue même à la destruction à la RUINE de notre pauvre France Pour notre sujet , il faudra malheureusement attendre un drame un décès Et encore les avocats trouveront des circonstances atténuantes : homicide ( par négligence ) involontaire avec sursis Très dissuasif !
Mais c'est pas fini de faire joujou avec des fusils, les fusils en plastique pour enfant, le gros guns pour les adulescents (officiellement adulte mais encore avec des comportement d'ados). Les pouvoirs publics doivent se presser d'agir, sinon ils risquent aussi d'avoir du sang sur les mains...
Je suis passé une foi par ce chemin et les tireurs m’ont stoppé par sécurité (ils étaient sur le point de débuter leurs tirs, je n’avais donc pas entendu de coup feu en arrivant) et avec gentillesse, ils m’ont demandé d’attendre le proprio, le proprio en arrivant m’a dit que j’étais chez lui, je lui ai demandé comment descendre sur Raboulet et il m’a dit qu’il n’y avait pas de chemin et m’a dit de retourner d’où je viens et de ne pas revenir de manière assez ferme. Ne connaissant pas bien le coin et ne souhaitant pas poser de problème j’ai suivi ses recommandations et ne suis plus jamais passé. Avec cet article j’apprend donc qu’il s’est octroyé le chemin communal, mais ne souhaitant pas prendre une balle perdue je ne retenterais pas …
Fort malheureusement il faudra attendre que l'inconscience du danger qui plane sur la tête des randonneurs qu'un Drame Humain surviennent pour qu'enfin les représentants officiels de la magistrature se décident effectivement à agir pour faire respecter la loi et la sécurité, de quoi s'avérer assez perplexe façe à une telle absençe de décision de jurisprudençe pour le moins trés surprenante.
Il suffit de regarder le profil de ce monsieur sur les réseaux sociaux ainsi que ceux de ses amis pour voir que l'ordre nouveau est en route
Ce gars doit connaître du beau monde...