Victoire d'ampleur pour les opposants à la microcentrale de Chanteuges

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 29/05/2024 à 16:50

C’est une longue histoire, ponctuée de combats, de tensions et de décisions judiciaires. Une guerre de l’eau menée par un seul homme contre toute une armée aux visages divers et variés. Si la justice a tranché cette fois au profit des derniers, le président des Rives du Haut-Allier reprend les armes et se pourvoit en cassation.

Dans l'article, intervention de Gérard Beaud, Président de la Comcom des Rives du Haut-Allier, qui partage son analyse sur l'affaire.

Le rappel des faits ? Un projet de microcentrale de Chanteuges est porté par la Communauté de communes des Rives du Haut-Allier. Dès 2017, des réalisations sont effectuées « avec la destruction d’une grande partie du béal d’alimentation et la construction d’un dégrilleur », expliquent d’une même plume neuf entités dont SOS Loire vivante, Allier Sauvage ou encore la Fédération de pêche de Haute-Loire.

Malgré la construction entamée et les accessoires installés, en dépit des sommes d’argent investies sur le chantier, tout s’arrête. Les habitants, les associations locales, départementales et même nationales se rangent du côté de la commune de Chanteuges pour protester contre ce projet « qui n’a aucun sens », selon eux.

Leurs craintes prennent la forme d’un double mur de béton de 2,50 mètres de haut et d’une conduite forcée d'1,20 m de diamètre, à la place d’un bief serpentant dans les prés. « C’est une atteinte grave à la biodiversité de la Desges », partagent les opposants. Ils ajoutent aussi : « Et cela serait un risque important pour le Conservatoire national du saumon sauvage situé en aval ! »

"Êtes-vous POUR ou CONTRE l'installation d'une microcentrale hydroélectrique utilisant l'eau de la Desges dans le bourg de Chanteuges". Avec une participation de 51,3 % (192 votants pour 374 inscrits), 78,9 % des exprimés votent contre le projet (2 votes blancs, 40 pour et 150 contre) lors d’un référendum le 22 avril 2023 par la commune de Chanteuges

« L'État lui-même a estimé les arguments du tribunal d'appel suffisamment solides […] La Communauté de communes s'est pourvue, seule, en cassation »

Après des allers et retours entre les murs des tribunaux, le Tribunal administratif (TA) d’appel de Lyon rend alors son jugement le 13 mars 2024. En suivant l’analyse du rapporteur public, il annule les jugements du 19 janvier et du 28 avril 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avaient donné raison à Gérard Beaud, président de la Comcom des Rives du Haut-Allier, sur la possibilité de construire cette centrale.

Ainsi, le TA vient d’annuler le droit d’eau précédemment reconnu par le préfet. « L'État lui-même a estimé les arguments du tribunal d'appel suffisamment solides pour ne pas se pourvoir en cassation », se félicitent les opposants. Avant de déplorer : « La Communauté de communes s'est pourvue, seule, en cassation ».

« Un certain nombre d'investissements ont néanmoins été faits qui seront quoi qu'il arrive à la charge de la Communauté de communes » Les opposants.

« Le projet n’est pas rentable pour un sou »

Selon les « contre », la rentabilité du projet a été évaluée à plusieurs reprises. Elle dépend notamment de l’énergie fournie par le débit d’eau de la rivière Desges, débit qui est détourné pour alimenter le béal. « Les bénéfices sont également soumis au prix d’achat de l'électricité par EDF à court et à long terme », soulignent encore les associations.

Or, d’après les dernières évaluations, il faudrait attendre entre 16 et 50 ans pour avoir un retour sur investissement. « Ce qui est totalement hors des clous quand on sait que cette limite temporelle est fixée à un maximal de 12 ans par les investisseurs », lancent les opposants. « Le projet n’est pas rentable pour un sou ».

« Les enjeux sont très importants et il est facile de porter un recours. Lorsqu'on va en justice, on peut perdre, on peut gagner, C'est ainsi. Le premier jugement au tribunal administratif nous a été favorable. Le deuxième en appel ne l'a pas été. Cela repose sur un jugement qui ne nous appartient pas de contester ni de commenter ».

Il poursuit : « Mais une chose est sûre, c'est que c'est d'abord un recours contre un arrêté préfectoral et pas contre la communauté de communes. Il faut quand même préciser que si nous allons effectivement en cassation, c'est pour défendre les intérêts de la communauté de communes et rien d'autre ».

« L'addition, c'est en centaines de milliers d'euros »

Gérard Beaud déplore en ces mots : « L'addition, c'est en centaines de milliers d'euros. L'addition, c'est que dans les années à venir, nos enfants devront régler une dette de 600 000 euros sans avoir de recettes pour le faire. Si la centrale s’était faite, on aurait déjà 300 000 euros de recettes et un outil productif ».

Il continue en ce sens : « Dans cette histoire, nous avons atteint un niveau qui n'avait pas lieu d'être. Une page dans le Canard enchaîné, une double-page dans Charlie Hebdo. Tout cela a pris des allures politiques. Mais pendant que nous nous battons juridiquement et médiatiquement, ce sont nos administrés qui devront régler la facture. »

« Je fais confiance à la justice et nous espérons qu'elle nous donnera raison au profit de l'intérêt général. Parce qu'il s'agit bien de ça. Si on se bat depuis des années, c'est évidemment pour l'intérêt général »

Le Président de la Comcom des Rives du Haut-Allier souligne aussi : « Il faut quand même ne pas oublier une chose, c'est que tout démarre d'un choix d'élus de Chanteuges. Une dette a été constituée lors de la création de l'Auberge des Chanteuges. Alors, dans le but de désendetter l'auberge, la microcentrale a été décidée par le syndicat économique de l'époque, présidé d'ailleurs par le premier adjoint de Chanteuges ».

Il termine ainsi :  « Le retour pour nous est désastreux. Parce qu'en réalité, c'est l'ensemble de la communauté de communes qui va en subir les conséquences. Et en premier lieu, les administrés ».

Quatre réalités qui pèchent

Quatre piliers expliquent, selon les associations, l’évidence de cette absence de rentabilité. Premièrement, le faible dénivelé de la longueur du béal. Deuxièmement, le respect du faible débit maximal autorisé. Troisièmement, les coûts plus élevés de la maintenance pour une collectivité publique. Et enfin, la diminution prévue du débit des rivières dans les décennies à venir en raison du changement climatique.

« La microcentrale aurait eu un impact éventuellement dramatique sur le Conservatoire national du saumon sauvage, la plus grande salmoniculture de repeuplement d’Europe, située un peu en aval du projet ». Les opposants

Pour sauver la rivière et la faune qui dépend d’elle

Mais la crispation principale de celles et ceux dressés contre le projet de la Comcom des Rives du Haut-Allier prend sa source... à la source. « La Desges est en effet reconnue comme « réservoir biologique » et rivière en « très bon état écologique » au titre de la Loi sur l'eau », martèlent-ils.

Ils poursuivent en ce sens : « Alors que le bief actuel prélève un débit très faible, il était prévu de prélever jusqu'à 1,5 m³/s dans la Desges. Ceci l’aurait réduite à un simple ruisseau une bonne partie de l'année, avec toutes les conséquences qu'on imagine sur la faune aquatique qui pourrait bien difficilement migrer le long de la rivière, et pas seulement les saumons et les anguilles. »

 

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1 commentaire

jeu 30/05/2024 - 08:37

L'abandon de tout projet de ce type devrait s'accompagner d'un rappel insistant : la nécessité absolue de réduire drastiquement notre consommation d'énergie (un Français consomme 50 fois plus d'énergie que ce qui lui serait nécessaire pour vivre décemment).

Je renseigne ma commune de préférence :

  • Accès prioritaire à du contenu en lien avec cette commune
  • Peut être différente de votre lieu de travail
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