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« Tu es une merde et je vais te buter ! »
Est-ce que cette menace de mort est issue d’un film de Tarantino ? D’un documentaire sur TF1 ? D’une info sur Cnews ? Non. Elle a été prononcée par un élève de 11 ans à un autre de 10 ans dans un collège du Puy. Et sous cette phrase se cache des années de harcèlement, de coups, d’humiliations, de rackets et d’intimidations.
Dans cet article, deux garçons. Deux portraits. Deux rescapés après d’innombrables mois de violences physiques et psychologiques entre les murs de leur école ponote.
On va l’appeler David et lui Théo. Le premier a 20 ans et le second 4 ans de moins. Et tous les deux ont voulu garder l’anonymat. S’ils ne se connaissent pas, ils ont vécu la même chose. Un harcèlement scolaire, tenace, long, épuisant, qui semblait n’avoir de fin tant il revenait sans cesse, tous les jours et sans pause.
Si le fond reste le même, à savoir une sape infernale du moral et du quotidien causée par tout un groupe pour David et par une forte tête pour Théo, la forme a pris des visages aussi nombreux qu’hideux.
Effrayés par leur propre ignorance devant ce qui leur paraît hors des cadres, hors des codes, hors des piliers sacrés que la société de consommation et la religion ont défini comme la norme, les harceleurs se repaissent des gros, des moches, des bègues, des handicapés, des garçons "efféminés" et des garçons "manqués", des trop grands et des trop petits, des pauvres, des gens de couleurs, des gothiques, des fragiles…
« Les harceleurs de collège et de lycée peuvent tirer parti d'une préférence innée pour la conformité en pointant du doigt les différences (réelles, exagérées ou inventées) de leurs cibles », analysent en ce sens les chercheuses Barbara Natterson-Horowitz et Kathryn Bowers
David. « J’étais clairement exclu de tout et de tous »
« Les premières moqueries sont apparues en CE1, se rappelle David. Comme aujourd’hui, j’étais corpulent et j’étais l’unique enfant de la classe à avoir cette différence. Je restais seul, dans la cour. Mes camarades ne m’aimaient pas à cause de mon poids. J’étais clairement exclu de tout et de tous. »
« Oui, je me suis auto mutilé et oui, vers l’âge de 13 ans, j’ai essayé de me couper les veines »
En CM1, celui qu’on avait baptisé « Le monstre » change d’école pour en rejoindre une autre, toujours sur le bassin ponot. Mais le cauchemar continue de plus belle pour se poursuivre même pendant les années collège dans un établissement privé de Brives-Charensac.
« Oui, je me suis auto mutilé et oui, vers l’âge de 13 ans, j’ai essayé de me couper les veines, souffle David. Mais heureusement, je n’ai pas franchi la limite irréversible. »
« Les victimes ne parlent pas de ça à leurs parents. Car elles éprouvent de la honte, de la culpabilité. Certaines se renferment alors totalement, seules avec ce mal. Et parfois, ça finit d’une façon sans retour possible. » David
« J’avais beaucoup de chance par rapport à la plupart des harcelés. Je ne me laissais pas faire »
Tout en force, il continue: « Malgré toute l’humiliation de ces autres garçons, en rond autour de moi pour me rappeler que je n’étais pas comme eux, j’avais beaucoup de chance par rapport à la plupart des harcelés. Je ne me laissais pas faire ».
Les poings. La violence. Le corps comme bouclier et comme arme. « Je sais que ce n’était pas la bonne solution car j’avais l’impression de devenir le harceleur à chaque fois que je me battais. Mais c’était la seule manière que j’avais trouvée pour me faire un peu respecter. »
« Même si la vie est vache, elle offre parfois des revanches qu’il faut saisir »
Du haut de ses 20 ans maintenant, de son mètre quatre-vingt-huit et de ses 140 kg, ce futur professionnel du numérique a accepté de confier son expérience de jadis pour : « dire à tous les harcelés qu’il ne faut rien lâcher, qu’il faut relativiser. Et que même si la vie est vache, elle offre parfois des revanches qu’il faut saisir et des rencontres qu’il faut chérir. »
Théo. « C’est juste à cause de ça que j’ai subi deux années de galère »
Théo a 16 ans maintenant. Devant le journaliste, il parle de son expérience avec une maturité déconcertante, une lucidité impressionnante.
Théo n’est pas gros, ni "trop" petit, ni "trop" grand. Il n’est pas non plus noir de peau, jaune, rouge ou arc-en-ciel. Il n’a pas d’accent ni de tache de naissance sur le visage. Il a juste une toute petite différence que seuls les bas d’esprit peuvent prendre comme une tare. « Je suis rentré en 6ème avec un an d’avance, confie-t-il. Je pense que c’est juste à cause de ça que j’ai subi deux années de galère par la suite ».
« Tu es un vrai gentil. Il a senti cette faiblesse et il s’est jeté sur toi »
Là, ce n’est pas un groupe à l’instar de David qui va s’acharner sur sa proie. C’est un seul élève. Et ce dernier vouera une obsession, un acharnement incroyable pour pourrir la vie de son camarade. « Tu es jeune et brillant, lance sa maman, présente avec lui lors de l’entretien. Tu es un vrai gentil. Il a senti cette faiblesse et il s’est jeté sur toi lamentablement ».
« Au début, on ne sait rien du collège. On ne connaît pas vraiment les codes. Donc, on se dit que c’est peut être normal tout ça ». Théo
« C’est à ce moment qu’eux et moi avons pris conscience du harcèlement »
Tentatives d’étouffement, coups sur la nuque et le ventre, asphyxie... Dès les premiers jours en 6ème, Théo devient le bouc émissaire du harceleur. « Au début, on ne sait rien du collège, partage Théo. On ne connaît pas vraiment les codes. Donc, on se dit que c’est peut être normal tout ça. Que ça fait partie de la vie des collégiens ».
Quand ses lunettes sont brisées par le même élève, la perception de la normalité change alors. « Mes parents m’ont demandé pourquoi mes lunettes étaient dans cet état-là, se souvient-il. C’est à ce moment qu’eux et moi avons pris conscience du harcèlement à l’œuvre ».
« Il se mettait alors à côté de moi et me poussait sur la route quand une voiture passait. »
Mais malgré des demandes incessantes des parents de Théo pour rencontrer ceux du harceleur, en dépit des très nombreuses convocations de l’élève par la direction du collège, la pression continue et se poursuit l’année suivante.
« Intello de merde ! » « Va te faire foutre » « Si tu me donnes pas ta feuille, je vais te buter ». Bousculades dans les escaliers, intimidations en tout genre, menaces de mort. « Même en dehors de l’école, il me suivait, assure Théo. Je devais rejoindre le Pôle Intermodal à la gare du Puy pour prendre mon bus. Il se mettait alors à côté de moi et me poussait sur la route quand une voiture passait ».
« Je suis écœurée que la direction du collège ait étouffé avec autant de force ce qui se tramait entre leurs murs. Tout ça pour que l’image de l’établissement ne soit pas ternie ! C’est inadmissible et très dangereux ! » La maman de Théo
Déscolarisé pour échapper à son harceleur
Fatigué, son corps lâche. Des troubles du sommeil et alimentaires apparaissent. Et au mois de janvier 2019, pour le préserver du harceleur qui semble étrangement protégé par la direction du collège, ses parents demandent une déscolarisation. « Il travaillera ainsi à la maison jusqu’en avril », précise sa maman. Cette dernière portera plainte pour mise en danger d’autrui le 21 février de cette même année.
« Tout ça pour que l’image de l’établissement ne soit pas ternie ! »
Malgré toutes les preuves, les témoignages, les captures d’écran et les certificats médicaux, le harceleur écopera d’un simple rappel à la loi. Et restera tranquillement à l’école.
« Je suis très en colère, déplore la maman de Théo. J’avais une confiance absolue en l’institution. Je suis écœurée que la direction du collège ait étouffé avec autant de force ce qui se tramait entre leurs murs. Tout ça pour que l’image de l’établissement ne soit pas ternie ! C’est inadmissible et très dangereux ! »
« J’avais peur de lui, c’est vrai, mais j’aimais mon école »
Pour Théo, à présent au lycée et débarrassé de son bourreau, il retient surtout un sentiment d’injustice.
« Je faisais la part des choses entre lui et ma scolarité. J’avais peur de lui, c’est vrai, mais j’aimais mon école et les cours enseignés. Je ne voulais pas la quitter. Et pourtant, ce fut à moi, harcelé, d’être déscolarisé un temps pour lui échapper. Je pense que c’est l’inverse qui aurait dû se produire ».
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7 commentaires
Il me semble que la conscience morale d’un enfant est acquise vers l’âge de 7 ou 8 ans. Certaines choses se font, d’autres ne se font pas, pas de négociation possible.
La co-éducation entre la famille et l'Education Nationale est mentionnée dans de nombreux textes. Pourtant, jamais aucune famille n'est inquiétée. Un enfant ne parle pas comme ça sans raison, ses parents devraient être contraints de réparer sous peine de rendre toutes les aides que la société leur a offert pour les aider à élever leur enfant. Malheureusement, chez nous, les services sociaux n'existent que pour attribuer des aides financières, jamais pour sanctionner et remettre dans le droit chemin. Et si on appliquait simplement la loi "Derrière chaque mineur, il y a un adulte responsable" positivement quand ça va mais aussi négativement quand ça ne va pas.
Quand on parle de harcèlement, on évoque souvent la personnalité de la victime et sa famille. Plus rarement des complices passifs, bien contents que le harcèlement ne soit pas tourné sur eux. Un harceleur a le plus souvent besoin d'un public pour assister au harcèlement.
Un harceleur semble enfermé dans une spirale infernale. Pour rester crédible auprès de son "public" il doit le plus souvent accentuer son harcèlement. Peut-on parler de délire? Certains "faits divers" de harcèlement y font penser.
Quid de la personnalité des harceleurs? Et leur famille?
Est-ce que harceler ce n'est pas la solution que trouvent certains avec des problème d'estime de soi dégradée pour ne pas être harcelés?
Non, rien n'a changé ! ma nièce a changé d'école (cause option). elle arrive en 4è, se retrouve avec 3 "pestes" connues depuis la 6è par tous les adultes du collège. D'emblée, elles s'en prennent à ma nièce psychiquement en envoyant des infos contradictoires et non avérées (un tel ne t'aime pas, un autre va te faire du mal, telle copine t'a trahie, t'es nulle....). elles se retrouvent dans la même option, pas de répit pour elle ! ma soeur intervient par écrit auprès du directeur qui reconnait la situation, dit qu'il faut attendre, que peut être ça va s'arranger....rien ne se met en place donc écrit à l'inspection académique et là , ma nièce est changée de classe ! Les pestes sont intouchables, pas de punition, pas de renvoi... elles attendent la prochaine proie..
C'est une grave faute professionnelle de la part de la direction de l'établissement. La ou les personnes responsables doivent être révoquée(s) d'office. leur comportement est écoeurant. Elle n'ont rien à faire dans l'éducation nationale. J'espère que la justice fera son travail correctement.
Je pense sincèrement que si la surveillance des cours d'école était plus professionnelle, il y aurait moins de violences verbales ou physique, combien de fois j'ai vu des personnels de surveillance quels qu'ils soient baissaient la tête ou tournés le dos ou dire à un enfant c'est rien, et malheureusement c'est là que commence le début des misères, il faut stopper cette violences dès l'école primaire
Une honte! J’espère que tout cela va changer, que l’institution scolaire prenne plus en compte l’intérêt d’une victime que la réputation de l’établissement. C’est le harceleur qui doit quitter l’établissement, pas le harcelé.