Sélection en écoles d'infirmiers : la députée Isabelle Valentin dénonce des injustices

Par Ombéline Empeyta Brion, Enzo Martinet , Mise à jour le 14/06/2023 à 06:00

Depuis 2019, année de la suppression du concours en soins infirmiers et du changement des modalités d'admission en IFSI (Institut de formation en soins infirmiers), via la plateforme Parcoursup, les débats fusent. Isabelle Valentin, députée de Haute-Loire dénonce dans une tribune des injustices créées à cause de ce processus de sélection et tire la sonnette d’alarme sur «une situation qui ne peut plus durer».
 

Depuis ce jeudi 1er juin, près d’un million d’étudiants découvre les résultats des vœux qu’ils ont formulés pour l’une des 21 000 formations proposées par la plateforme Parcoursup. Depuis des années, l'IFSI (Institut de formation en soins infirmiers) a recours à un processus de sélection avec concours. Depuis quatre ans, avec l'arrivée de la plateforme, les concours ont été supprimés.

Pour la réintroduction de l'examen

Selon le communiqué de la députée, "les étudiants désireux d’intégrer l’un des 365 Instituts de Formation en Soins Infirmiers (I.F.S.I) figurent parmi ceux étant les plus exposés aux injustices créées par la plateforme Parcoursup". En tant que députée, Isabelle Valentin souhaite "tirer la sonnette d’alarme sur une situation qui ne peut plus durer". Depuis 2019, la députée de la seconde circonscription de la Haute-Loire se dit contactée par de nombreux jeunes étudiants et professionnels de santé de Haute-Loire sur "la situation totalement ubuesque vécue par les bacheliers" ayant postulé via la plateforme Parcoursup pour intégrer l’Institut de Formation en Soins Infirmiers du Puy-en-Velay.

"'Rétablir le concours en soins infirmiers est une nécessité absolue dans un contexte de multiplication des déserts médicaux", assure Isabelle Valentin. Car la suppression du concours a aussi entraîné celle de l’entretien oral. Pour la députée, l’entretien de personnalité était un bon moyen d’identifier les candidats aptes ou non à assumer la profession d’infirmier, qui requiert de grandes qualités humaines. "Les membres du jury de sélection ont en effet l’expérience leur permettant de repérer des candidats ayant un discours, un comportement incompatible avec l’exercice de cette profession."

Contacté, le directeur de l'IFSI du Puy-en-Velay, Pierre Morin, réagit après avoir pris connaissance de la tribune d'Isabelle Valentin. Depuis Parcoursup, il le remarque, il y a de plus en plus d'abandon qu'avant. Pour lui, cela est dû au manque de renseignement en amont des candidats. "Le concours et surtout l'entretien avait le mérite d'obliger les candidats à se renseigner sur le métier et d'avoir une représentation plus juste du métier, ils savaient où ils mettaient les pieds, ce n'était pas un choix par défaut". Car sur ParcourSup, les candidats ont dix vœux à effectuer pour leur postbac. "Alors certains, explique le directeur, mettent l'école en dernier vœu, un peu par hasard."

" On ne peut pas évaluer leurs motivations avec de 15 lignes "

Lui comprend la décision de supprimer le concours par principe d'équité, le concours étant payant à 90 euros. Mais pour lui, cela restait quand même un moyen de voir la vraie motivation des candidats, investis à étudier. "Comment peut-on évaluer les motivations et les qualités relationnelles d'un candidat à partir d'une quinzaine de phrases écrites sur la plateforme, sans même savoir si c'est véritablement le candidat qui l'a écrit ou quelqu'un d'autre ?", s'interroge le directeur. "C'est quand même bien biaisé". 

Mais pour lui, revenir en arrière reste peu envisageable à ses yeux. "Je ne vois pas comment on pourrait faire machine arrière à l'époque de Parcoursup aujourd'hui." En 2023, au Puy, 6 000 candidats d'Auvergne Rhône-Alpes ont postulé via ParcourSup. Et seulement une centaine d'étudiants seront sélectionnés d'ici à la rentrée de septembre 2023. "Comment on fait pour organiser les entretiens aujourd'hui ? Avec qui ? Quand ? Et comment on finance ?", s'interroge donc naturellement le directeur. Il l'explique, à l'heure du concours obligatoire, les frais de 90 euros pouvaient couvrir les frais des jurys, des cadres de santé, et des psychologues. Pour l'instant, le directeur avoue ne pas voir comment cela pourrait être envisageable de faire passer 6 000 entretiens sans frais de concours. 

Des étudiants affectés loin de leur résidence

80 % DES ÉTUDIANTS DE L'IFSI 43 ALTILIGÉRIENS

Concernant la question de la sélection géographique, là-dessus, le directeur de l'IFSI du Puy est formel. 80 % des candidats de l'IFSI 43 sont originaires de la Haute-Loire. Si on prend les départements limitrophes, le chiffre passe alors à 95 %.

Mais pour lui, le critère géographique parait difficile de prendre en compte, car ce dernier, il le rappelle, est discriminant. 

Autre préoccupation soulevée dans le communiqué, la principale difficulté rencontrée repose sur la non prise en compte du critère géographique dans la procédure. Ce qui conduit à ce que lesdits candidats se retrouvent affectés dans des IFSI trop éloignés de leur zone de résidence. "De ce fait, à études équivalentes, des étudiants altiligériens, souhaitant rester en Haute-Loire, sont par exemple affectés à Toulouse, quand, dans le même temps, des étudiants Toulousains, désireux de rester à Toulouse, sont affectés au Puy-en-Velay". Une situation qui amplifie les frais et peut être source de dépenses financières importantes. "Les jeunes étudiants privés de la possibilité d’étudier dans l’IFSI de leur département d’origine se voient contraints de louer un appartement et engager des frais supplémentaires en termes de transport, du fait de l’éloignement géographique. À l'heure où le marché locatif étudiant se tend et où la mobilité est partie intégrante de la transition énergétique, ces coûts qui auraient pu être évités sont à mes yeux inacceptables".

Une migration qui amplifie la désertification médicale

En plus du coût financier non-négligeable que cela représente pour ces étudiants désireux de continuer à étudier dans leur département, cette méthode d’affectation, toujours selon les propos de la députée, aurait également des répercussions sur la lutte contre la désertification médicale, notamment dans les territoires ruraux.

Une des priorités dans le processus de sélection au Puy est de garder un étudiant en proximité et ainsi d'éviter l'effet "grande ville". "Un étudiant qui va goûter à la vie de la grande ville aura bien plus de mal à revenir en ruralité qu'un étudiant qui n'a jamais quitté sa terre natale", explique le directeur. 

"Dans un contexte de forte pénurie d’infirmiers, la fidélisation sur leur territoire des étudiants infirmiers constitue un objectif essentiel pour favoriser l’installation des nouveaux infirmiers en zones rurales, bien souvent sous-dotées. Cette problématique cristallise alors un enjeu de santé publique important. Par conséquent, j’estime qu’il s’avère nécessaire d’apporter des réponses concrètes et continuer de réfléchir à une meilleure prise en compte du critère géographique pour les futurs bacheliers."

"La situation actuelle n’a que trop duré" -Isabelle Valentin

Elle appelle donc le Gouvernement "à œuvrer pour que le critère géographique soit davantage pris en compte dans le processus de sélection de la plateforme Parcoursup, lorsqu’il s’agit des admissions en IFSI, afin de prioriser les étudiants désireux de continuer à étudier dans leur département, mais également de lutter efficacement contre la désertification médicale qui s’accentue dans les territoires ruraux."

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