Précarité : « Le jour où je suis redevenue quelqu’un »

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 14/11/2023 à 04:00

Le secours catholique de la Haute-Loire organise sa grande collecte les 18 et 19 novembre 2023. Au-delà de l’aide financière ou alimentaire que l’association distribue aux bénéficiaires sans cesse plus nombreux, elle redonne aussi le plus important : la dignité.

Dans la pièce, les gens se pressent autour de la table hexagonale. Aux côtés du président départemental du Secours catholique, Gérard Deygas, les membres de l’association sont là, parlant au nom des 300 bénévoles altiligériens qui œuvrent sans relâche pour plus de 3 000 personnes dans 32 lieux d’accueil.

Ils décryptent lentement les besoins des bénéficiaires toujours plus nombreux d’année en année, des besoins qui s’enroulent autour de cette alarmante courbe de l’inflation. « Les dons ont tendance à stagner, souligne le président. Mais les demandes explosent. Sans la générosité des gens, sans leur solidarité et leur fraternité, ce sont des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui s’enfoncent inéluctablement dans une pauvreté insoutenable ».

Une partie de l'équipe du Secours catholique du département altiligérien.
Une partie de l'équipe du Secours catholique du département altiligérien. Photo par Nicolas Defay

« Les demandes d’aides financières au Secours catholique de la Haute-Loire concernant la mobilité, l’alimentation et l’énergie sont passés de 200 en 2022 à plus de 300 en 2023 ». Pierre Boit, membre du Secours Catholique Haute-Loire.

« Ils sont obligés de faire des choix qui ne devraient pas exister »

Si se déplacer et se chauffer accaparent une grande part du budget des foyers, manger reste le principal poste de dépense. Mais parce que l’heure est aussi grave qu’ascendante, de plus en plus de gens utilisent cette dernière priorité vitale comme une variable d’ajustement.

Autrement dit, ils mangent moins, parfois jeûnant un jour ou deux, pour pouvoir se chauffer ou utiliser leur voiture. « Ils sont obligés de faire des choix qui ne devraient pas exister, continue Gérard Deygas. D’autant plus que le chiffre de l’inflation est trompeur. Il est établi à environ 5 % d’un point de vue général. Mais pour l’alimentation, il se situe à 17 %, l’alimentation comptant pour 30 % dans le budget d’un ménage ! »

La grande collecte du Secours catholique se passe le samedi 18 et dimanche 19 novembre en Haute-Loire. Les dons sont principalement de nature financière, des dons de voitures et, éventuellement, des volumes de bois de chauffage

« Mais la vie a fait que, malgré tout, j’ai dû me résigner »

Le Secours Catholique soutient l’Épicerie solidaire au Puy (La croisée des saveurs), tout comme le restaurant solidaire La tablée à Brioude, l’Épicerie solidaire à Brassac, le garage Solidarauto 43 et le collectif Dis-moi (culture).

Parmi les 25 bénévoles de l’Épicerie solidaire au Puy, Ghislaine partage son passé de bénéficiaire. Un témoignage fort où les larmes ont plusieurs fois cogné à la porte de son regard à mesure qu’elle confiait son récit d’existence.

« J’ai toujours travaillé, commence-t-elle. Et je ne peux pas dire que je touche aujourd’hui une retraite de misère. Mais la vie a fait que, malgré tout, j’ai dû me résigner à me tourner vers une association comme le Secours Catholique ».

L’Épicerie solidaire existe depuis 11 ans. En 2012, une dizaine de famille était accompagnée. Aujourd’hui, ce chiffre est monté à soixante, avec une liste d’attente qui se densifie constamment

« Cela voulait dire que je ne pouvais subvenir aux besoins de ma propre famille. Et ça, c’est terrible ! »

Du haut de ses 66 ans, elle poursuit : « Par décision de justice, j’ai accepté d’avoir la garde de mes petits enfants, leurs parents n’étant pas aptes à s’en occuper. Mais cette responsabilité ne vous donne pas droit à grand-chose de la part des institutions. Mes ressources diminuaient grandement et je devais trouver une solution ».

« Très mal !, répond Ghislaine à la question de savoir comment elle avait vécu cette demande d’aide auprès d’une association humanitaire. Pour moi, cela voulait dire que je n’étais pas au top, que je ne pouvais subvenir aux besoins de ma propre famille. Et ça, c’est terrible ! Mais ma priorité était eux, elle est eux. Je devais tout faire pour qu’ils soient biens, pour qu’ils puissent manger correctement et pour qu’ils bénéficient des mêmes chances pour espérer un avenir décent et correct ».

Le Secours catholique recherche des bénévoles, notamment des personnes capables d’accompagner des gens pour monter des dossiers de rénovations énergétiques. « Ils existent de nombreuses aides, souligne Gérard Deygas. Mais les dossiers sont d’une complexité effarante ! »

« Payer donne une certaine dignité. C’est beaucoup moins humiliant »

Une assistante sociale la dirige alors vers l’Épicerie solidaire du Puy-en-Velay. Contrairement à d’autres associations, les denrées et les articles ne sont pas proposés gratuitement. Ils bénéficient toutefois d’un prix parfois dix fois inférieur à ceux pratiqués dans la grande distribution. « Ce facteur est très important à mon sens, souffle Ghislaine. Payer donne une certaine dignité. C’est beaucoup moins humiliant. Beaucoup moins dégradant ».

« J’ai cette sensation d’être enfin redevenue quelqu’un »

Après neuf mois accompagnée par le Secours catholique, Ghislaine change de statut. De bénéficiaire, elle rejoint les rangs des bénévoles dans cette épicerie qui l’a aidé à traverser ce sombre pan de vie.

« Je n’ai pas hésité une seconde, sourit-elle. Ça fait tellement du bien d’aider les autres, tellement du bien de retrouver une vie sociale. Depuis le mois de mai où j’apporte ainsi mon aide, j’ai cette sensation d’être enfin redevenue quelqu’un ».

 

 

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