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Ce graffeur, qui manie la bombe comme un pinceau, anime les façades rurales en fresques où se mêlent poésie et patrimoine.
Sa dernière réalisation prend forme sur les murs de la mairie de Saint-Haon, petite commune du canton de Cayres-Pradelles, et s’impose comme une véritable ode à la ruralité vivante.
Camille Alberni, plus connu sous le nom de "Dégé", continue de donner vie aux murs des bâtisses à coup de bombe de peinture. Avec subtilité et harmonie, il mêle patrimoine et art sur de vastes façades.
Sa technique bien à lui, interroge tous ceux qui assistent à la préparation. Dans un mélimélo de mots et symboles, les oiseaux prennent forme, le paysage se détaille, les fourrés prennent vie et se colorent. Le premier plan s'imbrique parfaitement dans le fond nuancé de noir et blanc. Quand Dégé parle de sa fresque, « on s'y croirait » : voler avec les busards cendrés, espèce emblématique du secteur, sentir le vent sur son visage et de tout là-haut découvrir des emplacements que l'on ne peut voir à terre.
Une fresque pleine de subtilité et de sens
Depuis cinq semaines, perché dans sa nacelle, Dégé déploie son talent sur une fresque d’environ 16 m2, peinte sur la façade de la mairie de Saint-Haon.
Mais ce projet, amorcé sur les murs depuis peu, est en réalité le fruit de deux années de réflexion et d’échanges " ça va faire presque deux ans qu'on en discutait avec la mairie et l'architecte des bâtiments de France " explique Clarisse Besset, chargée de mission Développement économique et Aménagement rural à Cayres Pradelles. " Ça a été des échanges avec l'artiste et la commune pour réussir à trouver un compromis avec le cahier des charges qui avait été évoqué, sachant qu'il fallait que ça soit local " ajoute-t-elle.
Quand la nature et l’art se rencontrent
Ce projet s’inscrit dans le Contrat Vert et Bleu, un dispositif régional de valorisation de la biodiversité et des paysages, qui n'a malheureusement pas été reconduit. " Cela permettait à des communes rurales qui n'auraient pas forcément les moyens de se lancer dans un projet comme celui-ci, d'avoir accès à une œuvre à ciel ouvert " indique Clarisse.
Parmi les vingt communes du canton, six candidatures avaient été retenues, avant que Cayres et Saint-Haon ne soient choisies pour accueillir les premières fresques. Avec "l'idée de créer une sorte de parcours des fresques" ajoute Clarisse. Pour entrer en lice, les villages devaient avoir un mur communal et un support qui soit disponible en bon état avec une belle visibilité. D’autres villages, comme Landos, pourraient bientôt rejoindre cette aventure artistique et environnementale.
La bombe comme un pinceau
Dégé, lui, continue de brouiller les frontières entre graffiti et peinture. Son processus de création débute par des formes, des lettres et des symboles qui s'organisent comme un plan, avant d’évoluer vers des tracés précis. Son geste maîtrisé donne naissance à des fresques d’une grande finesse, réalisées à main levée, sans pochoir.
“Je ne me considère plus vraiment comme un graffeur, confie-t-il. Je suis un peintre muraliste qui utilise la bombe comme médium.”
La composition de l’œuvre qu'il réalise à Saint-Haon est une invitation au voyage dans les vastes horizons jalonnés des Gorges de l'Allier.
Au premier plan, les busards cendrés se mêlent aux bleuets, aux coquelicots et aux graminées teintant le paysage. En arrière-plan, se déploie la vallée de l’Allier, ses arbres et ses prairies. Le pont du Thor qui "enjambe l'Allier" marque la frontière naturelle entre le Velay et le Gévaudan. "C'est à partir de là que commence l'Allier sauvage, comme on l'appelle, c'est-à-dire qu'il y a uniquement la voie du Cévenol qui la dessert, il n'y a pas de route jusqu'à Alleyras" explique Jean-Claude Vigouroux, maire de Saint-Haon. Par un jeu subtil de perspective et de profondeur, Dégé offre une vision "en surplomb".
https://www.zoomdici.fr/actualite/cayres-une-fresque-pour-eveiller-les-…
Créer du lien, révéler la beauté du quotidien
Au-delà de la performance artistique, chaque fresque signée Dégé devient un moment de vie qui crée du lien social. " Il y a des enfants qui habitent pas loin, un soir, le petit garçon est venu, je lui ai expliqué deux ou trois techniques pour dessiner. Il y a aussi la dame qui habite en face, tous les matins, elle regarde par sa fenêtre, elle vient de dire bonjour" confie Dégé.
"Ça incite les gens à bouger et à venir voir ces petites communes où justement, il n'y a pas forcément beaucoup de passage." conclut Dégé. À Saint-Haon, comme dans bien d’autres villages, ses fresques redonnent vie aux bourgs, rappelant leur culture et leur beauté et offrent une galerie à ciel ouvert.