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Viande remballée à Langeac : avant de trancher, les magistrats doivent digérer
L'affaire avait suscité un grand émoi quand elle a éclaté (lire). Surtout que la pratique serait monnaie courante depuis une dizaine d'années (lire). Presque tous les matins, la viande invendue la veille était remballée et on ne jetait que ce qui avait un aspect visuel impropre…
Dans la benne, des étiquettes et des barquettes… mais pas de viande
Tout part en fait d'une dénonciation anonyme, qui conduit les services de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDSCPP) à effectuer un contrôle à 6h du matin au Super U de Langeac. Ils aperçoivent un employé jeter deux sacs poubelle dans la benne… Ils vont vérifier et trouvent dedans des étiquettes et des barquettes… mais pas de viande.
Rapidement, ils font le lien entre ces barquettes vides et la viande sur l'étal en magasin : la supercherie touche aussi bien les côtes de porc que la viande d'agneau, dont les DLC (dates limites de consommation) étaient dépassées, ce qui ne les empêchaient pas de réapparaître dans des barquettes familiales par exemple.
Le pompon pour le "cercle des saucisses"
Mais le pompon revient au "cercle des saucisses" : lorsque le produit est fabriqué, il dispose d'une DLC de + 5 jours par exemple. Si le premier jour, la saucisse n'a pas été vendue, elle est cassée et remêlée à la chair à saucisse "fraîche" pour en fabriquer une nouvelle. De la sorte, sa DLC est repoussée d'un jour. L'opération peut ainsi être répétée à maintes reprises... Cette viande n'était jetée que lorsqu'elle prenait un aspect visuel inadéquat.
----Des enquêtes ont été menées en parrallèle au Super U d'Aiguilhe : aucun problème particulier n'a alors été décelé.-----Une autre supercherie qui a été révélée par les enquêteurs concerne de fausses promotions : des étiquettes annonçant des réductions de près de 50 % étaient apposés sur des produits remballés plusieurs fois, et le prix correspondait à celui d'une viande fraîche… Un jeune employé aurait confié aux enquêteurs : "je sors juste de mon CAP boucher et on fait exactement le contraire de ce que je viens d'apprendre".
Un niveau d'hygiène "pas acceptable"
A la barre ce mardi, deux agents parmi les quatre enquêteurs de la DDSCPP ont fait part de leur indignation dans cette affaire : "une DLC doit être respectée, sinon ça peut vite devenir dangereux pour la santé… Ils jugeaient à l'oeil, ce n'est pas du tout fiable. On est même allé jusqu'à retirer un produit moisi, c'est vraiment rare, je suis presque en fin de carrière et je crois bien que je n'avais jamais vu ça. Les risques pour la santé étaient importants et aucun professionnel de l'alimentaire ne peut prétendre ne pas connaître les règles".
En outre, il est reproché aux quatre prévenus l'emploi d'ustensiles, de machines, de récipients ou d'instruments malpropres. Certains outils, qui doivent être nettoyés tous les jours, étaient particulièrement sales. "Le niveau d'hygiène n'était pas acceptable", estime l'un des enquêteurs de la DDSCPP.
----Les bénéfices annuels du magasin de Langeac sont de l'ordre de 700 000 euros selon le tribunal. Philippe Boutreux, le propriétaire, a rectifié à la barre : "il s'agit des résultats courants, pas nets. Il faut enlever toutes les charges, la participation aux bénéfices, l'emprunt à rembourser, etc. Au final, le bénéfice annuel est plutôt de 100 000 euros".-----Est-ce l'appât du gain qui a conduit à ces pratiques illicites ?
Reste à savoir, et c'est probablement le coeur du problème, ce qui aurait poussé le ou les fautifs dans cette affaire à avoir recours à de tels procédés. L'appât du gain probablement, même s'il n'est pas le même selon le côté duquel on se place. Pour le directeur de l'enseigne langeadoise, "la boucherie et la charcuterie représentent à peine 10 % du chiffre d'affaire, en aucun cas ça ne peut avoir un effet de levier sur nos résultats annuels".
Pour l'une des chefs de rayon, en revanche, l'intérêt est tout autre. Son salaire n'est que de 1 100 euros par mois mais les primes, en fonction des objectifs, atteignent jusqu'à près de 4 000 euros par an. Pour autant, les arguments des deux chefs de rayon mis en cause sont les mêmes : cette pratique était ancrée bien avant leur arrivée, ils se sont contentés, docilement, de la perpétuer, pointant parfois du doigt une menace à l'emploi de la part de la direction s'ils refusaient, ce que la direction réfute catégoriquement.
Deux chefs de rayon licenciés et démission du directeur
Le directeur de l'enseigne langeadoise va même plus loin : "un rayon qui pratique de la rembale devrait avoir une surmarge, ce qui n'était pas le cas. On dit que notre chair à saucisse était mêlée depuis des années... et on en a vendu des tonnes ?! Nos résultats ne peuvent pas progresser en vendant de la merde quand même".
Les magistrats lui ont tout de même reproché de ne pas avoir davantage consulté le cahier des casses. "Ces deux rayons ne représentent que 6 % du volume du magasin, ce n'était pas une priorité pour moi", rétorque-t-il, après avoir rappelé que tous les employés avaient été formés au PMS (Plan de Maîtrise sanitaire). Notons enfin que les deux chefs de rayon ont été licenciés pour faute grave et que le directeur du magasin à Langeac a démissionné.
Des peines de prison avec sursis requises, réponse le 25 février
Après presque six heures de procès, à 22h, les magistrats ont décidé de mettre l'affaire en délibéré au 25 février prochain à 14h, juste après que le procureur de la République Jacques Louvier ait livré ses réquisitions. Deux mois de prison avec sursis et 2000 euros d'amende à l'encontre du chef du rayon boucherie, un mois avec sursis et 1000 euros d'amende à l'encontre de la responsable de rayon charcuterie ont été requis.
Quant au gérant du magasin, c'est une peine de trois mois de prison avec sursis et 3000 euros d'amende qui a été sollicitée par le représentant du Ministère Public. Enfin, aucune peine n'a été requise à l'encontre de Philippe Boutreux, propriétaire du Super U.
Réponse donc le mardi 25 février 2014 à 14h.
Maxime Pitavy
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