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Un train de sénateur aux allures de TGV
Si on peut juger l'ex-président de la Chambre d'Agriculture de Haute-Loire, ancien leader des Jeunes agriculteurs 43 et maire de Saint-Paulien compétent sur les questions agricoles, il reconnait en premier chef ne pas l'être sur tous les sujets, comme la médecine ou le droit par exemple.
"C'est absolument impossible de lire la totalité des documents qu'on nous soumet, il faut pouvoir s'appuyer sur des personnes de confiance, et c'est pourquoi je suis inscrit parmi le groupe Les Républicains", se justifie-t-il, "j'ai toujours été encarté, j'assume". Quant à soutenir Laurent Wauquiez pour la présidence du parti, c'est une évidence pour lui : "je suis son ami, je l'admire, mais je ne suis pas son chien".
----L'expression ''un train de sénateur'' est souvent galvaudée. Elle signifie en fait qu'une personne va à une allure lente mais possède un port altier. L'expression fait référence au Sénat romain, qui vient du latin senex et qui veut dire vieux, dans le sens seigneur. Les sénateurs se déplacent toujours à une allure lente et digne.-----Une permanence et une nouvelle équipe
Le nouveau sénateur voulait déjà présenter sa nouvelle permanence : elle se situe en centre-ville du Puy-en-Velay, au numéro 6, rue Vibert. Quant à sa nouvelle équipe, elle est composée de Christelle Michel (adjointe à Monistrol-sur-Loire et conseillère départementale) comme suppléante et de Karine Vincent (au Puy-en-Velay) et Barbara Treutenaere (à Paris) comme attachées parlementaires. Cette dernière collabore également avec le député Jean-Pierre Vigier.
Laurent Duplomb, vous dressez un bilan au bout de 60 jours seulement, alors que d'habitude, on attend le cap des 100 jours. Est-ce que ça signifie que vous êtes un sénateur pressé ?
Non, je ne suis pas spécialement pressé mais je viens de passer 60 jours intenses. C'était donc un petit clin d'oeil par rapport au 24 septembre, jour de mon élection. C'est aussi l'occasion de présenter mon équipe et ma permanence.
Qu'est-ce qui a été si intense ces 60 premiers jours ?
C'était déjà éprouvant d'un point de vue psychologique, parce qu'abandonner tous mes mandats (ndlr : président de la Chambre d'agriculture et maire de Saint-Paulien) a été difficile, quand on a mené tant de combats. Et puis, il y a eu l'installation à Paris et un long questionnement par rapport à la grandeur du Palais du Luxembourg et vis à vis de la multitude de dossiers et de sujets à traiter. Et enfin un questionnement personnel, en se demandant tout simplement si on va être à la hauteur, si on va comprendre tout ça, si on va trouver sa place et bien porter la voix de la Haute-Loire. Et on se rend compte que ce n'est pas simple et qu'il faut rester humble.
Qu'est-ce qui vous a alors permis de vous sentir plus à l'aise ?
Déjà le fait de rentrer directement dans l'arène, puisqu'on m'a confié la mission de rapporteur de la loi de finances sur le budget de l'agriculture. J'ai aussi été dans le groupe de travail sur l'eau et l'assainissement, ce qui permet petit à petit de prendre ses marques. Puis au quotidien, après avoir laissé mes animaux, je prends une douche et j'enfile mon costume de sénateur et c'est une activité très intense, passionnante, exaltante, mais aussi fatigante. C'est tout ce qui me donne le courage et le dynamisme nécessaire pour bien faire le travail pour lequel les élus de la Haute-Loire m'ont nommé.
On a parlé de l'abandon des mandats qui était un déchirement pour vous, notamment celui de maire, qui est le premier lien de proximité et de connexion avec les citoyens. C'est le plus dur à abandonner ? Là le mandat de sénateur, c'est plus un mandat en lien avec les élus... au détriment des citoyens ? Aucun risque de déconnexion avec les citoyens ?
Vous êtes l'un des plus jeunes élus au Palais du Luxembourg (46 ans). Quand on dit "un sénateur pressé", parle-t-on aussi d'un sénateur pressé de gravir les échelons ?
Je pense avoir une particularité : au-delà de mon âge, je suis grosso modo le 20ème plus jeune sénateur de France, ce qui en laisse 328 plus âgés mais rassurez-vous, ça passe très vite et au prochain renouvellement, qui aura lieu dans trois ans seulement pour moi, je ne ferai probablement plus partie des 20 plus jeunes (rires).
Après, un sénateur pressé pour gravir les échelons, pas du tout. Je suis très heureux de ce que j'ai fait même si le fait de ne plus être responsable agricole alors que je le suis depuis 25 ans m'a pesé beaucoup, mais d'un autre côté il y a une certaine fierté que d'atteindre, en tant que fils d'ouvrier, la marche de sénateur. Ça me donne déjà suffisamment par rapport à ce que je pouvais attendre. Je ne suis ni carriériste ni affairiste, il faut garder le bon sens, la capacité que l'on a à être pragmatique sur les sujets et je souhaite faire ce mandat de sénateur du mieux que je peux. On verra ensuite si je demande le renouvellement de mon mandat, mais je peux vous assurer d'une chose : si je devais arrêter aujourd'hui ou demain, ça ne me pose absolument aucun problème que de redevenir agriculteur car c'est le fondement même de la passion qui m'anime.
Puisqu'on parle de vos fonctions agricoles, un mot sur Sodiaal (une coopérative agricole spécialisée dans la transformation de produits laitiers, qui est la 16ème plus grande entreprise de ce secteur au niveau mondial, en termes de chiffre d'affaires, et la 3ème française, derrière Danone et Lactalis), dont vous êtes l'administrateur. Vous allez devoir quitter ces fonctions en janvier prochain ?
Oui, c'est aussi un déchirement pour moi puisque j'ai l'impression de partir sur un travail qui n'est pas totalement achevé. Mais l'obligation de l'agenda et des responsabilités pour lesquelles j'ai été élu me poussent à abandonner. Avoir à gérer tout le Massif Central au niveau de Sodiaal et à continuer d'être membre du bureau me semble compliqué. Je pense donc arrêter début 2018, tout en gardant un oeil sur l'activité et en conservant la capacité de m'inviter au bureau régulièrement, de façon à connaître les sujets de Sodiaal et à porter la voix de la Haute-Loire, même si le représentant qui devrait me succéder, Damien Garnier, est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. Mais je veux vraiment garder un oeil sur la production laitière du département car c'est hyper important pour l'avenir économique agricole de la Haute-Loire.
Votre nouvelle vie est partagée entre Paris et la Haute-Loire. Craignez-vous que le gouvernement actuel accentue la fracture entre urbains et ruraux en fragilisant le bloc communal ?
Si j'ai bien une critique à formuler contre le gouvernement actuel, c'est celle-là. Je sens dans ce gouvernement une vraie volonté jacobine, même si le président de la République a annoncé aux maires une certaine forme de décentralisation. On voit bien que la loi NOTRe pousse vers ce principe de centralisation. Et je pense que c'est une erreur car la France, c'est la France des 36 000 communes, où l'on trouve plus de 500 000 bénévoles qui travaillent au service des autres. Marcher comme on est en train de le faire sur la responsabilité des élus locaux, ce n'est pas une bonne chose.
Il faut refaire confiance aux élus, qu'on leur laisse cette capacité à décider, même si on les accompagne, mais avec plus de liberté de manoeuvre. Car aujourd'hui, les élus sont affairés par cette problématique de toujours vouloir rentrer au chausse-pied dans quelque chose qu'ils n'ont pas spécialement envie de faire. Il faut arrêter de dire que les communes sont endettées : 300 communes font 90 % de la dette française au niveau local, donc il y a plus de 35 000 communes qui ont une bonne gestion.
On sait que la DGF (dotation globale de fonctionnement) par habitant n'est pas la même en milieu urbain et en milieu rural (jusqu'à 2,5 fois plus élevée). La rééquilibrer, est-ce un combat à mener en tant que sénateur ?
Maxime Pitavy
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