Michel Chapuis, candidat à la présidence de l'Agglo du Puy-en-Velay
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Le responsable des urgences du Puy rend sa blouse
Médecin urgentiste depuis 15 ans, responsable du service des urgences (mutualisé avec le Samu 43) de l'hôpital Emile Roux du Puy-en-Velay depuis trois ans, c'est une figure locale qui s'en va, en pleine crise des urgences et alors que les annonces de la Ministre n'ont absolument pas calmé les personnels grévistes, bien au contraire.
La semaine dernière encore, ils ont réalisé une action pour sensibiliser l'opinion publique mais n'ayant pas la possibilité de mettre leur activité en suspens (service public de première nécessité), leur colère n'est guère entendue et leur activité reste exactement la même.
Un Don Quichotte qui n'avait plus la force de se battre
S'il refuse de parler de "jeter l'éponge", Xavier Poble admet "une lassitude, un épuisement". Depuis déjà plusieurs années, il dirige le plus gros service de l'hôpital, avec plus de 100 personnes. Un service qui absorbe également la moitié des hospitalisations, sans le budget adéquat en face. "On devrait avoir le plus gros budget de l'établissement... mais non, on nous demande de faire toujours plus, avec toujours moins de moyens".
Sa situation, il la compare à celle de Don Quichotte, épuisé de se battre contre des moulins à vent. "Nous sommes confrontés à un afflux massif de personnes et on n'arrivera jamais à résorber cette demande", déplore-t-il. Une situation d'autant plus usante pour les personnels qu'ils sont en première ligne face à l'impatience, l'insatisfaction, voire la colère des patients. Sans oublier qu'un médecin urgentiste fait en moyenne une soixantaine d'heures par semaine, dont la moitié de nuit, parfois au détriment d'une vie familiale.
Le personnel des urgences "entre le marteau et l'enclume des patients et des institutions"
Ce retrait de la direction du service des urgences du Puy, c'est une façon de mettre un terme à un combat perdu d'avance ? On a le sentiment de se battre seul et sans espoir de réussite ?
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----Ça déborde !
Le nombre de patients a doublé en vingt ans alors que le nombre de lits a diminué de 100 000. Une décision qui découle d'une certaine logique : chaque lit coûte une certaine somme à la société, si on diminue le nombre de lits, on diminue les dépenses (sans parler du virage ambulatoire). Plus de patients et moins de lits, l'équation est simple et le résultat sans appel : ça déborde. Nous vous conseillons l'excellent billet de Nicole Ferroni, chroniqueuse sur France Inter, à ce sujet.
-----Une administration parfois hors-sol
"On a beaucoup de combats difficiles à mener", explique le médecin urgentiste, "car on a une certaine méconnaissance des chemins à prendre pour faire avancer les projets, et lorsqu'on les a identifiés, on se heurte toujours à des difficultés liées à une certaine institution administrative qui est parfois un peu hors-sol, déconnectée des réalités que nous, professionnels, parfois certes un peu trop la tête dans le guidon, rencontrons au quotidien".
C'est d'ailleurs le cas avec les propositions de la Ministre de la Santé qui suggère un SAS (service d'accès aux soins), c'est-à-dire une plateforme téléphonique et en ligne, pour avoir accès rapidement à un professionel de santé. "C'est déjà ce que fait le 15 non ?", ironise-t-il. Quant à la possibilité de renvoyer directement sur un médecin généraliste, il rétorque "c'est déjà ce qu'on fait depuis des années, en s'appuyant sur une connaissance fine du territoire".
> Lire la réaction de la direction de l'hôpital Emile Roux
Tant pis si le service est moindre, tant qu'une économie est réalisée ?
L'activité des urgences semble structurellement exponentielle. On a recensé 42 156 passages l'an dernier au Puy, et le seuil des 43 000 devrait être allègrement franchi cette année alors qu'on était à peine à 30 000 passages il y a une dizaine d'années.
Il y a toujours plus d'activité, mais comment est-ce qu'on fait face ? Avec un meilleur filtrage en amont ? Sans moyens supplémentaires ? Dans la santé comme dans les autres pans de la société, il faut apprendre à faire avec moins, même si au détriment du service tant qu'on répond à une logique comptable ?
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Au SAMU, des milliers d'appels qui sont mal orientés et qui polluent complètement le flux
"On nous appelle parce qu'on a une fuite d'eau, ou qu'il y a une grosse araignée dans la cuisine...", témoigne Xavier Poble, "vous avez des milliers et des milliers d'appels qui sont mal orientés et qui polluent complètement le flux".
Le problème, c'est qu'il faut tout de même faire face avec la plus grande vigilance car le personnel a la responsabilité pénale de la réponse "et je mets au défi n'importe qui de répondre ne serait-ce qu'une heure au téléphone. C'est une pression énorme pour les personnels", estime l'ancien chef du service en Haute-Loire.
Faire payer les urgences ?
"Ce qui est gratuit ne vaut rien", répond-il du tac au tac, "mais lorsqu'on renvoit par exemple un enfant vers la maison médicale car il ne s'agit que d'une otite, on fait face à des protestations car il faut avancer des frais. J'ai eu la chance de travailler en Afrique notamment et pour accéder à l'hôpital public, il faut payer, ne serait-ce que pour entrer. On voit très clairement que ça limite l'accès aux soins car bon nombre de gens ne paieront pas". Selon lui, c'est dangereux car "on touche à deux piliers fondamentaux de notre système de soins : la gratuité des soins et l'accessibilité à tous. Les gens ont le sentiment qu'avec une carte vitale, tout est gratuit mais c'est loin d'être gratuit pour la société".
Son credo, c'est de garantir l'accessibilité à tous avant de parler de gratuité. "Ensuite, à charge du médecin qui vous a soigné de dire si vous avez utilisé le service de manière exagérée", poursuit-il, sachant que l'information aura été donnée dès l'orientation par l'infirmière, "et vous avez le choix de rester ou d'être orienté vers une autre structure, alors on vous fait payer non pas le coût réel mais un forfait d'une vingtaine d'euros par exemple, avec pourquoi pas des mutuelles qui décident de rembourser ou non".
"Sans participation financière, les patients considèrent que ça ne vaut rien"
L'un des principaux problèmes des urgences, c'est qu'il y a de nombreux cas qui ne devraient pas y être traités. C'est le cas pour la "bobologie" mais aussi pour des patients ne souhaitant pas attendre plusieurs semaines pour avoir une radio par exemple... Xavier Poble développe sa position et sa proposition au micro de Zoomdici.
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Crise des vocations et problème de rémunération
"Aujourd'hui, c'est devenu de plus en plus difficile de trouver des jeunes à former", explique-t-il, "le monde des urgences, c'est peu attractif et il y a une vraie crise des vocations". La difficulté est d'autant plus aiguë en Haute-Loire que les jeunes ont "un très grand choix car dans tous les hôpitaux de France, il y a un déficit de médecins urgentistes".
Le problème vient aussi de la rémunération : "au niveau européen, comme les professeurs, on fait partie des plus mal classés des 27", tempête-t-il, "si je vais dans le privé, je double mon salaire".
----La "solidarité locale", la force des hôpitaux ruraux
Persuadé que les équipes du Puy ont "un attachement très fort dans la défense de leur service", il souhaite bonne chance à son successeur, le docteur Delmas, en assurant que les personnels font de leur mieux pour "rendre la meilleure qualité de soins possible, car les patients, ce sont leurs voisins, leurs amis, leur famille". Une sorte de "solidarité locale" qui fait la force des hôpitaux ruraux, contrairement aux grandes villes.
-----Il va ouvrir un CMSI : "c'est une poursuite de ma mission"
Ce n'est pas non plus ce qu'il fait puisqu'il va ouvrir à Saint-Etienne un CMSI (centre médical de soins immédiats), une sorte de cabinet médical regroupant divers personnels de santé qui sera ouvert de 8h à 20h, 365 jours par an pour prendre en charge toutes les petites urgences, c'est-à-dire environ 70 à 75 % de l'activité classique des urgences aujourd'hui : "vous avez mal au ventre, votre fils vomit, vous avez une plaie à la tête, une entorse à la cheville...", énumère-t-il, "tous les tracas du quotidien que le médecin traitant ne peut plus traiter et qui viennent engorger les urgences. Et bien au lieu d'y aller, il faut qu'ils viennent dans ce genre de centre. Ils seront rapidement pris en charge".
Ce CMSI ouvrira en novembre, ce sera le premier de la région, pour une petite vingtaine en France. Ce type de structure pourrait être très pertinent pour un territoire comme la Haute-Loire mais c'est l'ARS (Agence régionale de Santé) qui délivre les autorisations et ce n'est clairement pas d'actualité en Haute-Loire. "C'est une poursuite de ma mission", se justifie Xavier Poble, "car l'objectif est de diminuer le nombre de passages aux urgences et pour certaines pathologies, ils réorienteraient les patients vers nous et a contrario, on pourrait aussi envoyer des patients vers les urgences si l'activité le nécessite".
Un aveu d'impuissance et un risque de glissement du public vers le privé ?
Problème : il s'agit d'un exercice libéral avec des contraintes semblables à celles du service d'urgence, mais sans financement. "Ça fonctionnera en tiers payant et comme on a choisi de le faire dans une clinique mutualiste, toute la prise en charge sera au tiers payant", détaille-t-il. Dans un premier temps sur la part obligatoire, il y aura donc une petite partie mutuelle à payer, et rapidement "dès qu'on aura pu mettre en place des accords avec les mutuelles, ce sera le tiers payant total, comme aux urgences aujourd'hui. Et on acceptera tous les patients, sans dépassement d'honoraires. C'est la même philosophie qu'un service d'urgences public".
Mais n'est-ce pas un aveu d'impuissance du public, qui n'arrive pas à faire face et n'y a-t-il pas un risque de glissement du public vers le privé ? "Je ne dirai pas le contraire mais c'est aussi pour ça que j'ai décidé de le faire avec une clinique mutualiste, qui n'est pas dans une logique lucrative, sinon je n'aurais pas fait ce choix mais je vous concède qu'il y a absolument ce risque de dérive pour d'autres CMSI".
Maxime Pitavy
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