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Journée mondiale de la biodiversité : état des lieux en Haute-Loire
Ce vendredi 22 mai 2020 marque la journée mondiale de la biodiversité. L’occasion de faire un tour d’horizon des espèces et variétés en déclin ou, au contraire florissantes, en Haute-Loire. Pour cela, nous nous sommes adressés au naturaliste Michel Soupet. Depuis les années 1990 et son engagement contre le barrage de Serre de la Fare, le botaniste participe à l’inventaire scientifique de la Haute Vallée de la Loire, entre Chadron et Goudet. Sur cette zone Natura 2000 protégée à l’échelle européenne, les associations SOS Loire Vivante et Digitalis dont il fait partie s’impliquent dans le bureau d’études scientifiques dans un cadre juridique précis, aux côtés du Conservatoire botanique national du Massif central, du Département et de la Région. Aussi « il ne s’agit pas de discussions de comptoir », précise Michel Soupet pour expliquer le travail minutieux et recoupé des naturalistes depuis leur base du Mas de Bonnefont à Saint-Martin-de-Fugères. C’est là que le public peut parcourir le « chemin des oiseaux » parsemé de panneaux pédagogiques (voir ci-dessus).
Commençons par les espèces en nombres stables.
C’est le cas du circaète Jean-Le-Blanc, « le plus bel aigle de Haute-Loire » selon Michel Soupet. Cet oiseau migrateur arrive au printemps, le 21 ou le 22 mars précisément, se calant apparemment sur l’équinoxe pour ses migrations. Toujours bien présent en Haute-Loire, il mange à 80 % des serpents qui, eux, ne manquent pas non plus. « C’est une chance de l’avoir », commente le naturaliste.
----Le retour du castor
Eloignons-nous un peu de la Haute-Vallée de la Loire où les eaux sont trop vives pour lui, mais plus en aval de la Loire, aux alentours de Vorey, vous pourrez trouver des traces indiscutables du retour du castor (troncs rongés, copeaux de bois, castoreums...) ou même le repérer avec sa queue si distinctive. Dans le Haut-Allier, le castor d’Europe est également de retour depuis quelques années. Autour de Saint-Julien des Chazes, vous aurez peut-être l’occasion d’apercevoir cet animal discret.-----Autre rapace encore bien présent : le busard cendré. Mais c’est le résultat d’un gros travail de sensibilisation des agriculteurs car le busard cendré installe son nid dans les cultures vers le mois de juillet. Aussi, les moissonneuses batteuses pourraient faire des ravages. Il s’agit donc de baliser un carré autour des nids pour ne moissonner qu’autour. Encore faut-il que l’exploitant ait repéré le nid. « C’est pas toujours facile mais dans l’ensemble, les agriculteurs jouent le jeu, constate Michel Soupet, ça permet de nouer des bonnes relations d’entente avec eux. »
Lui n’est pas un rapace mais il est également migrateur : le rossignol. « Il est difficile à voir mais on l’entend bien », s’émerveille Michel Soupet pour cet oiseau à la population stable également.
C’est le cas aussi du chevalier guignette, un oiseau migrateur qui dissimule ses œufs parmi les galets des bords de rivières pendant trois semaines de couvaison. Il s’agit alors pour les naturalistes de repérer et de protéger les œufs avec de la signalétique pour que personne ne marche dessus. « Chaque année, quand je le vois revenir, je me dis que c’est un bon signe, souffle Michel Soupet, ça veut dire qu’on a encore de belles rivières en Haute-Loire, en bonne santé, puisque le chevalier guignette y trouve son compte pour se nourrir. »
Autres habitants des rivières confirmant la bonne santé de nos cours d’eau : les batraciens. Grenouilles, crapauds et tritons sont en nombres stables. A la mi-février, ils rejoignent leur mare pour se reproduire dans l’eau. Une étude du CPIE (Centre Permanent d'Initiation l'Environnement) du Velay a démontré que les populations de crapauds à ventre jaune sont effectivement stables.
Du côté des mammifères barboteurs, la loutre, emblématique de la zone Natura 2000 de la Haute-Vallée de la Loire, se porte bien également. « Ça veut dire que la chaîne alimentaire est au beau fixe », se réjouit Michel Soupet.
Passons aux espèces et variétés à surveiller.
Pour cela, restons les pieds dans l’eau pour évoquer l’emblématique truite fario. « Les pêcheurs font des lâchers de truites arc-en-ciel dans les rivières mais ça fait des mélanges pas toujours heureux avec la truite fario, ça peut créer un déséquilibre », regrette Michel Soupet.
Autre habitant des rivières : le cincle plongeur. Aussi appelé « merle d’eau », ce petit oiseau sédentaire « pratique une pêche très sportive, même en plein hiver, c’est un courageux », remarque Michel Soupet qui partage une astuce : « si vous le voyez au-dessus de l’eau, c’est que vous pouvez vous baigner sans problème ; l’eau sera de qualité. » Toutefois, le téméraire petit oiseau se fait de plus en plus rare.
Parmi la flore à surveiller, le botaniste s’inquiète pour le hêtre. Vous en trouverez un très bel exemplaire au jardin Henri Vinay du Puy-en-Velay, vers le bassin. Une forêt entière de ce feuillu est également à admirer vers « Les Salles » à Saint-Martin-de-Fugères. Pour l’instant, les épisodes de sécheresse des dernières années n’ont pas entamé sa population. « Mais le risque c’est pour ses fruits, qui apparaissent tous les deux ans, explique le botaniste, s’il n’y a pas assez d’humidité, il risque de ne pas pouvoir se reproduire et pourrait disparaître à terme. Or l’arbre c’est le meilleur climatiseur. D’ailleurs le hêtre apporte beaucoup de fraîcheur ».
Dernière catégorie, mais pas la moindre : celle des espèces et variétés en danger.
« Là où les naturalistes sont en colère c’est à propos du renard », expose Michel Soupet. Le prédateur est chassé parmi les nuisibles et voit ses populations diminuer. « Or il chasse presque à 80 % des rongeurs comme les campagnols, poursuit le naturaliste, donc les rongeurs pullulent et s’en prennent aux récoltes des agriculteurs mécontents, c’est une absurdité, sans parler de la résurgence des tiques qui se fixent aux jambes des promeneurs et coureurs dans la nature ; des tiques véhiculées par les rongeurs de plus en plus nombreux, faute de renards. »
Encore plus inquiétant, la moule perlière qui est en danger d’extinction dans la Haute Vallée de la Loire. Or c’est une indicatrice d'une bonne santé de la qualité de l'eau des rivières amont. « La moule ne supporte pas plus d'un milligramme de nitrate par litre d'eau, précise Michel Soupet, dans la Loire elle n’a été vue qu'une fois très en amont ; on a de meilleurs résultats d'inventaire en Margeride. »
Si certains oiseaux migrateurs se portent bien et trouvent leur compte en Haute-Loire, c’est de moins en moins le cas des hirondelles des rochers et des martinets au ventre blanc, typiques de la Haute-Loire. On peut en voir autour de Chadron ou encore de la cathédrale du Puy où ces oiseaux viennent nicher. « Ils ne sont pas très nombreux, déplore le naturaliste, on devrait voir beaucoup plus d’activité que ça. » Explication : ces oiseaux venus d’Afrique sont tributaires de la nourriture qu’ils trouvent ici. Or la France dans son ensemble connaît une perte de 40 % de ses populations d’insectes.
Et parmi les insectes, les pollinisateurs comme les abeilles, les papillons et les libellules sont primordiaux pour la reproduction de la flore. « Même si une partie de la fécondation des plantes se fait dans l’air sous l’action du vent, les pollinisateurs sont essentiels », s’alarme Michel Soupet.
----« L’être humain fait partie de la biodiversité, il ne faut pas l’exclure parce qu’on connaît son impact mais il est impacté également » selon Michel Soupet.-----Cette baisse drastique des pollinisateurs, due à l’utilisation des pesticides de synthèse, se traduit aussi par la raréfaction des plantes messicoles, c’est-à-dire les plantes des moissons qui poussent sans y avoir été intentionnellement installées, comme les coquelicots et les bleuets. Lorsque l’on fait remarquer à Michel Soupet que ces « indésirables » peuvent perturber la récolte, il répond que, certes, « ça oblige à trier mais il faut savoir ce qu’on veut : un jour où l’autre, les produits chimiques de synthèse c’est nous qui allons les avaler et puis s’il y a de la graine c’est parce qu’il y a encore des pollinisateurs, si on tue les insectes il y aura moins de récolte. » Et d’évoquer les allergies et intolérances au gluten qui se multiplient : « Les produits chimiques de synthèse se concentrent dans l’enveloppe du blé, le son, donc on enlève cette écorce, mais si on cultivait sans produits chimiques de synthèse, ce serait plus rapide, car on n’enlèverait pas l’écorce, et plus nourrissant. »
Le botaniste en revient à l’actualité avec l’épidémie de Coronavirus : « On voit bien qu’il faut relocaliser l’agriculture, la pratiquer de manière moins intensive, et arrêter de dépendre de réserves aléatoires avec des camions traversant toute l’Europe. » En cela, il rejoint le message d’un autre groupe dont il fait partie, celui des « Résiliacteurs 43 » formé dans la foulée du festival des Mauvaises graines de Chadrac à l’automne dernier. « Il faut multiplier les potagers de quartiers ; d’ailleurs c’est très bien ce qui se fait au Puy en matière de compost », conclut-il en espérant que la biodiversité de la Haute-Loire soit respectée à travers son témoignage.
Annabel Walker
> Consulter l’Atlas de la flore d’Auvergne publié en 2006
Le week-end annuel d’animations Natura 2000 du Département de la Haute-Loire devait se tenir dimanche 17 mai 2020 à Vorey-sur-Arzon. Il a dû être annulé en raison de l’épidémie de Covid-19.
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